NB du 12 février 2021
Coïncidence , je viens de trouver sur le compte T°wit°°r du chef-d'orchestre Clément Mao-Takacs cette belle photo du livre de Kandinsky (qu'il vient de s'offrir) d'où est tiré ce poème . Je ne résiste pas à lui emprunter cette photo . Merci à lui
Collines(Hugel)
Une masse de collines de toutes les couleurs que l’on puisse et veuille imaginer .Toutes de différentes tailles , mais de formes toujours semblables , c’est-à-dire d’une seule forme : épaisse à la base , enflée sur les côtés , ronde et plate au sommet . Donc , de simples collines habituelles comme on les imagine toujours et comme on ne les voit jamais .
Entre les collines serpente un petit sentier d’un blanc pur , c’est-à-dire ni bleuâtre ni jaunâtre ne tirant ni vers le bleu , ni vers le jaune .
Un homme , vêtu d’un long habit noir et sans plis qui couvre même les talons , marche sur ce sentier . Son visage est pâle , mais sur les joues deux taches rouges . Les lèvres sont du même rouge . Il porte en bandoulière un grand tambour qu’il bat .
L’homme marche d’une très drôle de manière .
Tantôt il court et bat son tambour fiévreusement , à coups saccadés .
Tantôt il marche lentement , peut-être perdu dans ses pensées et bat son tambour presque mécaniquement , traînant en longueur : un… un… un… un tantôt il s’arrête net et bat son tambour comme un jouet , le petit lapin blanc en douce fourrure que nous aimons tant .
Mais cet arrêt ne dure pas longtemps .
Voici que l’homme court de nouveau et bat son tambour fiévreusement à coups saccadés .
L’homme noir , tout à fait épuisé est étendu de tout son long sur le sentier blanc entre les collines de toutes les couleurs . Près de lui son tambour ainsi que les deux baguettes .
Enfin , il se lève . Bientôt il recommencera à courir .
Tout cela je l’ai vu d’en haut et je vous prie, vous aussi , de le regarder d’en haut .
Kandinsky -Premier poème de l'album Résonances , traduction de Philippe Soupault