La traduction d'Armand Robin du poème Das Schnabel de Max Ernst :
L’oiseaucouple
Écoutez
Où jadis une maison se tenait
se tient maintenant un mont
où jadis un mont se tenait
se tient maintenant un astre
les oisenfants sonnent joyeusement du cor
et stridulent nettement dans la nuit
l'omnimonde couvre en chimique désir le néantmonde
et vois
où jadis un astre se tenait
se tient maintenant un oiseaucouple
ce couple-ci c'est l'oiseau-max d'aujourd'hui
et rossignol la bien-aimée oiseaufiancée
A chaque entrée majestueuse des oiseaudieux dans la bâtissemonde
chaque fois qu'en rythme égal lentement là-contre ils trépignent
l'oiseau-max peint un tableaumonde dans l'espacemonde
serre le poing se frappe le front
les oiseaubêtes regardent stupéfaites
troussent leurs robes.. blablatent d'exquises nonpensées
mais l'ultramère eiigeiiarê'-d'ultracreur un adulte enfantmonde
et le nomme nonétoile nonbête ultragnome
Mais voici qu'il se fait hiver dans le tableau
et la neige se casse en tombant sur le sol
tout le multicolore se dissout en noir
et quand alors le trépignement des dieux se fait très audible
plein de taureau plein de colère de mais et de changement
et qu'ils font que les rapières l'une sur l'autre de biais claquent
dans l'estocade avec verges penchés puissent
jusqu'au fond du corps en dedans
et qu'en outre ils piquent le soleil par devant et par derrière
en dedans dans le visage
alors quand vient la félicité
la lune roule à tes pieds
Et quand ils laissent à nouveau pleuvoir
sur l'europe sur la kafkamérique et sur la kafkasie
après le coup porté en surdité détresse et pleine puissance
au lieu de joyeux compagnons d'amour et de sagesse
et que leurs têtes comme il sied deviennent pierres
que les moustaches deviennent os
que leurs coeurs deviennent cuir
et qu'ils boisissent leurs ailes
alors l'oiseaucouple tourne la croupe aux dieux durs à [cuire
L'oiseaufiancée porte le soyeux arc-en-ciel autour du coin de la rue
l'érige dans la rue d'à côté et le jette
puis vient à sa place et s'allonge
Mais les muettes oiseaubêtes offrent pleines d'imaginairesespoirs
aux dieux boiteux un coq aveugle
avec d'innombrables poules aveugles aux cheveux d'argent
et comme ni ceci aussi ni rien du tout n'aide
elles contemplent impuissantes à la fenêtre
et laissent tomber des mots pleins d'automne et de désespoir
L'oiseau-max met son tableaumonde sous le bras
le lève en souriant vers le ciel
le fait retomber le referme
le pose sur la table monde pour l'aimable contemplation
Dame Rossignol s'en va-t-à la fenêtre
installe une chaise devant la fenêtre
prend la poignée en se tenant en équilibre
ouvre la fenêtre
regarde vers le haut hurle incompréhensiblement dans la nuit
et ferme la fenêtre
Oiseau-max s'en va-t-à la porte
tire la clé de sa poche
ouvre la porte
aperçoit le néantmonde
ferme l' oeil droit et la porte
ouvre la bouche
compte ses dents
engloutit l’omnimonde
compte les lunes
compte les saisons
hoche la tête et caresse son front
Alors la prunelle de son oeil gauche devient globe terrestre
il la prend entre le pouce et l'index
la roule sur la table
la fait éclater sur le sol
la lance en balle contre le mur
la rattrape avec sa main
et la fourre avec la lune et la clé dans sa poche
et vois
Là où jadis une étoile se tenait
s'accroît maintenant une étoile
Là où jadis un mont se tenait
s'accroît maintenant un mont
Là où jadis une maison se tenait
S'accroît maintenant une maison
Traduction de Armand Robin