24e Sonnet
Mon œil, le voici peintre, qui a tracé
Ta forme, la beauté, en tableau dans mon cœur,
Et mon cœur est le cadre
De cette anamorphose : comble de l’art
Car il faut pénétrer la technique du peintre
Pour découvrir où est la vraie figure,
Et la tienne, elle est à jamais
Sur le mur dans l'échoppe de mon âme
Dont les vitres étincelantes, ce sont tes yeux.
Et vois le bien que des yeux font à d'autres :
Les miens t’ont dessiné, les tiens me sont
Ces vitres de mon âme, que le soleil
A plaisir à franchir pour te contempler.
Il faudrait bien aux peintres cette méthode
Pour élever leur art ! Eux qui ne montrent
Que ce qu'ils voient , et ce n'est pas le cœur.
Extrait des xxiv sonnets de Shakespeare 1994
Traduction par Yves Bonnefoy des 24 premiers sonnets de W. Shakespeare-Bibl.Agerup no 366-372