Écoutez Georges Claisse
XVI
. . . Ceux qui sont vieux dans le pays le plus tôt sont levés
à pousser le volet et regarder le ciel, la mer qui change de couleur
et les iles, disant: la journée sera belle si l'on en juge par cette aube.
Aussitôt c'est le jour ! et la tôle des toits s'allume dans la transe, et la rade
est livrée au malaise, et le ciel à la verve, et le Conteur s'élance
dans la veille!
La mer, entre les iles, est rose de luxure ; son plaisir est matière à débattre,
on l'a eu pour un lot de bracelets de cuivre !
Des enfants courent aux rivages ! des chevaux courent aux rivages ! . . . un
million d'enfants portent leurs cils comme des ombelles . . . et le nageur
a une jambe en eau tiède mais l'autre pèse dans un courant frais; et les
gomphrènes, les ramies,
l'acalyphe à fleurs vertes et ces piléas cespiteuses qui sont la barbe des vieux
murs
s'affolent sur les toits, au rebord des gouttières,
car un vent, le plus frais de l'année, se lève, aux bassins d'iles qui bleuissent,
et déferlant jusqu'à ces cayes plates, nos maisons, coule au sein du vieillard
par le havre de toile jusqu'au lieu plein de crin entre les deux mamelles.
Et la journée est entamée, le monde
n'est pas si vieux que soudain il n'ait ri . . .
*
C'est alors que l'odeur du café remonte l'escalier.