Encrier 87

Textes de 2023 Texte de Jacques du 12 octobre : Euthanasie

« Ay Marieke Marieke je t'aimais tant

Entre les tours de Bruges et Gand »

Gare de Bruxelles Midi. Sous les néons blafards de la baraque à frites, le sourire suspendu de la marchande de frites accueille les voyageurs. Des hauts-parleurs bilingues et nasillards annoncent le départ du train en direction de Brussel-Centraal, Brussel-Nord, Gent Saint-Pieters, Brugge et Oostende. Une traversée du plat pays qui m'est si cher.

La laideur des banlieues de la capitale belge traversée, le semi-rapide comme dit la SNCB, s'avance sur la plaine enneigée. Dans le train, tout est bleu, dehors tout est blanc. La nuit vient sur la pointe des pieds. On aperçoit par les fenêtres sans rideaux des maisons isolées, des familles autour du feu. Une auto insensée zigzague sur un étang gelé. Les tourelles d'un château émergent d'un bosquet. La plaine est immense, le train grignote la Flandre, mon cœur bat à tout rompre. De quoi as-tu peur Jacques? Qu'elle ne soit pas au rendez-vous ? Rassure-toi, elle le sera. Ce soir, tu dormiras dans ses draps.

Ostende, fille née des amours incestueuses des polders et de la mer du Nord, Ostende, mon oiseau de sel, je reviens vers toi, une dernière fois.

Je ne reviens pas pour Frida la blonde ni pour Marieke ni pour Linda en villégiature sur la côte.

Mon dernier rendez-vous s'appelle Euthanasie.

Dans tes bras belges, Ostende, le passage sera plus doux que dans le pays que je n'ai pas choisi. Passe le message au vent du Nord qui s'engouffre dans la Rue Longue, dis-lui de souffler à tous les fantômes que je les ai tellement aimés. Dis-leur que j'arrive. Alors Spilliaert pourra allumer la digue.

JACQUES

Commentaires 3

  • Jean

    Je trouve ce texte magnifique et poignant... comme la chanson.

    Jean

  • Lilah

    Il arrive rarement que les mots me manquent, mais là, je ne peux me contenter d'approximations, de circonvolutions ... les mots manquent à dire mais l'émotion qui se dégage, cette " chute brusque de la conscience dans le magique " m'a emportée.

    J'ai du coup avec bonheur réécouté Marieke et découvert Spilliaert.

    Lilah

  • N

    Amour de vivre, et langueur. Très touchant.

    N

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.