Blessures et guérisons
Une plume tombe doucement jusqu’au pied de l’arbre. Freinée par ses barbules, elle vire et volte sans bruit, au ralenti, en un lent balancier. L’espace d’un soupir, à peine le temps de se poser et la gloutonnerie d’un prédateur a fait le drame d’une famille entière. Dans le nid posé à la fourche de deux branches d’un cèdre il ne reste que quelques bris de coquilles et le matelas de fin duvet qui avait accueilli trois beaux œufs est à présent rougi.
Comme de cette nichée à naître qui ne naîtra plus, comme des dessins sur le sable effacés par les vagues, comme des fleurs fanées sitôt écloses, le temps opère son œuvre. Passent les chansons, passent les oiseaux, passent les vivants. Nous ne sommes que de passage en cette maison que nous ne possédons pas. Là est le vrai drame : nous croire propriétaires alors que nous ne sommes que locataires.
Mais ce temps qui nous blesse peut aussi nous guérir par la grâce de l’oubli. Les traumatismes d’une génération se font oublier puis meurent avec elles. Mon grand-père détestait les rutabagas qu’il avait été obligé de manger enfant pendant la guerre, mais dans la soupe de poireaux de mon père ils ont un goût délicieux.
Commentaires 1
Il est dit que seul compte le voyage...le but est accessoire...ainsi la vie serait un voyage dont l'étape finale nous sera inconnue jusqu'au...dernier jour...le fameux "Jour dernier" ! Et là que serons devenus les étapes de notre voyage ? dans quel état seront nos souvenirs ? il parait qu'une vie entière défile en quelques instants...qui peut le dire ? qui en est capable ? seuls ceux qui ont vu la lumière blanche hors du tunnel définitif pourraient le révéler... J'ai toujours le goût en bouche de mon dessert préféré que me faisait ma grand-mère, souvent... Dans la famille on disait : "oeufs au lait", mais depuis longtemps il n'y a plus que "flan"... Mais "ils" sont toujours avec moi ceux de mon enfance...