Souvenir du repas de communion d’une cousine
Peu de temps après la guerre de 1945, dans un bon restaurant au bord de la Marne , presque toute la famille paternelle s’est réunie pour fêter la communion de Jacqueline .
Quel plaisir de retrouver cousins, cousines, oncles, et tantes.
Du menu, il ne me reste en tête que deux noms: canard à l’orange et oeufs à la neige .
Comme la vie ne m’a pas donné l’occasion de regoûter à ces plats , j’en ai oublié la saveur .
Seule me reste l’image d'icebergs qui flottent sur la crème.
Mais quelle fête que ce premier repas au restaurant !
Je vois encore le corbeau apprivoisé qui se promène dans la cuisine, au risque de se faire coincer derrière la porte.
Entre la poire et le fromage les adultes évoquent les dernières inondations : « oui, la guinguette que tu vois de l’autre côté de la route était recouverte par les eaux ! «
Comme il y peu d’eau en ce moment dans la rivière, après le repas, les enfants s’aventurent dans son lit.
Et merveille, sous une pierre , je découvre une écrevisse. C’est la première que je vois.
Je la place dès que je peux dans un bocal pour l’observer.
Le soir , nous prenons l’autobus pour rentrer au bercail :
Je déclare à la cantonade en montant dedans: « Respirons l’air pur ! ». Mais de l’arrière du bus se met à sortir une fumée noire et épaisse, j’enchaîne aussitôt : « Oh! que ça pue ! »
Tout le monde éclate de rire …
À la maison, je suis aux petits soins pour mon écrevisse .
Mais en la voyant tournoyer dans un petit seau, je me dis : « Pauvre écrevisse! »
Quelques jours plus tard , je lui redonne la liberté : je la porte jusqu’à la Seine voisine pour la remettre à l’eau , en lui murmurant : « Bonne chance, petite bête ».