Encrier 87

Ça a débuté comme ça, autour d’un chaudron .

Lentement Monsieur Panard touillait sa sauce .Maître saucier , il avait, pour Halloween, mijoté un chili , plutôt fort épicé . Les commandes avaient afflué du monde entier .Cette année c’était son année , sa dernière au bout de 37 , il rendait son tablier .

Alors André qui n’avait pas pu jardiner fit comme des centaines d’autres . Il prit son porte-monnaie , enfila son gilet , prêt à échanger saveurs contre billet . Au coin de chez lui , son fidèle épicier avait mis en valeur les fameuses conserves de Panard.

Recevant sa fille , André souhaita la surprendre , lui faire plaisir .Fier et heureux de recevoir avec toute la modernité dont il pouvait faire preuve , il déploya la nappe , les petits verres , le cristal .

Père et fille s’installèrent .

La nuit tiède descendait sous la lune pleine . Tout se passa à merveille .L’un et l’autre s’aimaient , la tendresse parfumait ce dîner .

Cependant les tourments d’une digestion devenue capricieuse, ombrageaient cette fin de journée . Ballonnements et diverses piqûres titillaient la soirée devenue âpre. La pâleur inondait le visage du papa .

Pourtant au dedans, il parlait du feu visitant ses viscères , comme une lave inondant tout sur son passage, comme un poison, un repas trop sanglant .

L ’Enfer reluisait de toute son acidité .C’était comme comme sil jouait dans le grand orchestre du Splendide : C’était la salsa du démon , le spectacle en pleine diffusion en direct, en action .

Devant l’enveloppe cachetée du corps de son père, Julie dans un geste sans paroles, dans un élan sans cris, noya son père de sable sur la plage où elle avait grandi .

Personne n’est venu le relever.

C’était fini .

L’aube s’est levée, la plage est toujours vide; le linge étendu sur le sable, remue doucement, il s’arrêtera pendant la nuit.