Encrier 87

Textes de Magali(jeudi) Texte de Magali(jeudi) - Jeu 5

Il s’appelait papy . Pour tous .

Un vrai vieux de village , avec des tâches autour des yeux si grands que le regarder en face donnait le tournis . Pas nombreux d’entre nous osait se moquer, même de loin, de son allure fléchie, défraîchie. Il était si lent , dans tout . Dès qu’il parlait je sentais mon cœur battre à vive allure avec cette envie de courir , car de l’écouter, c’était comme rester en statue pour jamais, vers toujours .

Pourtant il était très intéressant . Il savait beaucoup sur tout . C‘était déroutant, même quand il ne connaissait pas , il savait . Il regardait le bout de sa canne , il regardait les mots et le son des phrases, et après une seconde qui durait qui durait, il répondait . C’était comme un vieux sage, une bibliothèque entre le ciel et la terre, comme si il avait visiter les étoiles, comme si plus rien ne le surprenait .

Alors on venait le voir , on le croisait . Il restait des heures sur le banc du lavoir, il observait . Sans rien dire à personne, il plantait des arbres , des fleurs par ci par là , prenant soin de les élever, je crois même que parfois il priait . A sa façon . En posant ses mains denses sur la terre, sur les troncs , regardant chaque poussée de branches , chaque pétiole comme ébahi de ce miracle simple de la vie . Et nous, gamin, c’est comme si le livre et la joie nous étaient donnés . Le beau remplissait le bord des route, les jardins . Dans le parc il avait installé une planche, tenue par deux cordes et nous on s’y balançait . On jouait comme des fous autour de ce chêne, et faisant des châtaignes des soirées à griller, c’était près de cet arbre que les premiers amours naissaient .



C’était un peu de tout ça mon enfance . C’était une grande part de moi que j’ai quitté un jour pourtant . Pour la ville , pour les études et je revenais de moins en moins souvent .

Cela faisait tellement longtemps . Après une fatigue qui me brûlait tout, j’étais revenu pour un enterrement . Ma peine fut encore plus grande quand devant le vieux chêne , la branche de mes dix ans fut à terre . La planche et les cordes avaient disparu . C’était l’automne , les amis de cette enfance étaient revenus eux aussi pour le dernier hommage au papy .

Je sais plus trop comment un panier de châtaignes étaient devant nous , attendant .

On fit feu tous ensemble , comme avant , brûlant cette fameuse branche .

Après son départ, elle virevolte vers les poussières de l’oubli, puis elle tente de reconstruire une nouvelle vie .

Commentaires 4

  • Liseroon

    Magali, cela me tire les larmes...
    (merci aussi pour le commentaire)

    Liseroon

  • Russelouve

    ton texte est pour moi un châtaignier, cet arbre qui donne les possibilités de fabriquer des habitats, de se nourrir, l'arbre du pauvre, de la survie, un arbre de vie.

    Russelouve

  • Lilah

    Non le Papy, la planche de tes 10ans et tout le reste, rien n'a disparu, la mort n'existe pas, la vie porte les empreintes, il suffit d'arrêter la course folle, il suffit d'ouvrir les sens, d'ouvrir le coeur et les souvenirs sont là, prêts à surgir si on a les mots et si on peut les offrir!
    J'y suis dans ton village, sur le banc, et une immense émotion heureuse m'envahit !

    Lilah

  • Shane

    l'émotion est au maximum, les larmes aux coins des yeux, c'est beau, vraiment beau. souvent chacun, chacune à connu une telle personne dans son village, dans son voisinage avec l'immense respect du savoir, des belles histoires, des souvenirs du passé. tout cela nous touche au plus profond.
    encore une fois les souvenirs d'enfance remontent à la surface, car pour beaucoup d'entres nous ils sont beaux, émouvants, passionnants, nos souvenirs.
    et ceux ci sont les plus beaux contés ici, tant ils sont emplis d'une belle émotion. Félicitations.

    Shane

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