Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Saint-Pol Roux Rencontre avec Saint-Pol ROUX et son manoir de Camaret

Le manoir de Saint-Pol-Roux vers 1925 © Georges Arlaud

Extrait du billet de Gil Pressnitzer dans Esprits nomades sur Saint-Pol Roux (voir le lien ci-après) :

"Il se fixe d’abord dans une chaumière à Ronscavel, puis grâce à un héritage paternel, dans un manoir isolé qu’il fait construire à partir d’une humble cabane de pêcheur dominant le large et les flots.

Le Hollandais volant a trouvé son nid dans cette demeure gothique. Il va y cultiver sa légende et son dialogue avec l’océan. Il croit retrouver « La Celtie » et tous les esprits du passé. Plus breton bretonnant que les braves gens de Camaret, il va être le druide, le poète halluciné qui « écrit des vers comme d’autres pêchent la sardine ». Il se croit aux portes mystérieuses de l’univers, là où les mystères peuvent enfin se révéler à voix haute, car couverts par les sanglots du vent.

Dans ce manoir de Boultous, il domine les petitesses du monde, et parle d’égal à égal à la houle que porte la mer d‘Iroise. La houle de ses mots en sera le contrepoint. Il les répand dans les journaux locaux, les envoie à ses amis et se fige de plus en plus dans sa pose de mage à la barbe chenue, et aux pouvoirs inquiétants. Il ne vit pas en vase clos dans le cercle étroit de sa famille, sa femme, ses deux fils et Divine sa fille. Il participe à la vie locale, seul le milieu littéraire parisien le fait fuir. Lui qui s’était auto-canonisé en saint, ne pouvait condescendre à la foule servile et ses fêtes littéraires.

Pourtant la Dame à la Faulx, la mort, qui hante ses livres et sa vie va sortir des chemins creux et aller à sa rencontre. Et elle commence à tisser sa toile de veuve noire.

Il va perdre en 1915 un de ses fils Coecilian, à la première guerre mondiale à Verdun. Elle lui fera encore signe le 2 mars 1918, car un obus dévasta l’église de Saint-Gervais à Paris le laissant indemne au milieu des morts.

Il sera bientôt veuf et vivra seul avec sa fille Divine dans ce manoir qui gémit face à la mer.

La suite tragique appartient presque à un conte gothique et elle nous est contée ainsi :

« Le soir du 23 juin, les Allemands déferlent sur la Bretagne. Un groupe surgit au manoir et le 24 juin 1940, et un soldat ivre tue la servante Rose, brutalise le vieil homme de 80 ans, blesse par balles Divine avant de la violer. Des manuscrits innombrables sont déchirés ou brûlés, dispersés sur la lande le 3 Octobre.

Le vieil homme ne survivra que quatre mois. Il s’éteindra le 18 octobre à l’hôpital de Brest. Quatre ans plus tard, le manoir, où les Allemands s’étaient installés, est détruit par l’aviation britannique. »

Ainsi cette retraite digne de Chateaubriand ou de Hugo, va devenir un lieu maudit dont il ne reste que ruines. Mais l’œuvre de Saint-Pol Roux n’est point partie dans les ronces. L’éditeur René Rougerie, publie depuis plus de trente ans les manuscrits retrouvés du poète. Sa fille Divine, jusqu’à sa disparition en 1985, fut la vestale de cette œuvre. C’est par eux, comme le fut André Silvaire pour Milosz, que subsiste encore le chant lyrique du vieux druide.

Rendons hommage aussi à celui qui en plein climat antisémite aura eu le courage d’écrire en 1933, un texte brûlant pour la défense des juifs, sous le titre « la supplique du Christ »

« Chrétiens, je vous demande grâce pour ma vieille race à la face de brebis et de bélier, divin troupeau que devait disperser la politique humaine et qui depuis s’en va tout au long de la haine, le fer dans la laine, le fouet sur la peau ».

Cet homme d’honneur fut aussi très tôt, en 1932, l’ami de Jean Moulin alors que tant de ses contemporains allaient virer à la montée des compromissions."

« J’aimais cet homme simple et sublime. Je l’admire par-delà la mort, lui le dernier représentant de la grande littérature qui semble ne plus exister. Je dis grande littérature comme on dit grande musique. » Max Jacob.

Lien vers le site : https://www.espritsnomades.net/litterature/saint-pol-roux-l-oubli-apres-la-houle/

Témoignage de Divine (1898-1985) sur le drame de1940 : https://www.notrepresquile.com/recits/autres/saint-pol-roux-attentat.php

Bibliographie

Saint-Pol-Roux "Les plus belles pages", Mercure de France, 1966

La Dame à la faulx, Rougerie, Mortemart, 1979

Les Reposoirs de la procession, vol. I : La Rose et les épines du chemin, Rougerie, Mortemart, 1980

Les Reposoirs de la procession, vol. II : De la colombe au corbeau par le paon, Rougerie, Mortemart, 1980

Les Reposoirs de la procession, vol. III : Les Féeries intérieures, Rougerie, Mortemart, 1981

Le Tragique dans l’homme, vol. I : Les Personnages de l’individu, Les Saisons humaines, Tristan la Vie, Rougerie, Mortemart, 1983

Le Tragique dans l’homme, vol. II : Monodrames, L’Âme noire du prieur blanc, Fumier, Rougerie, Mortemart, 1984

Vendanges, Rougerie, Mortemart, 1993

La Besace du solitaire, Rougerie, Mortemart, 2000

Les Ombres tutélaires, Rougerie, Mortemart, 2005