Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Attila Jozsef Rencontre avec Attila Jozsef : Ce n'est pas moi qui clame (NEM ÉN KIÁLTOK)

NEM ÉN KIÁLTOK

Nem én kiáltok, a föld dübörög,

Vigyázz, vigyázz, mert megõrült a sátán,

Lapulj a források tiszta fenekére,

Símulj az üveglapba,

Rejtõzz a gyémántok fénye mögé,

Kövek alatt a bogarak közé,

Ó, rejtsd el magad a frissen sült kenyérben,

Te szegény, szegény.

Friss záporokkal szivárogj a földbe -

Hiába fürösztöd önmagadban,

Csak másban moshatod meg arcodat.

Légy egy fûszálon a pici él

S nagyobb leszel a világ tengelyénél.

Ó, gépek, madarak, lombok, csillagok!

Meddõ anyánk gyerekért könyörög.

Barátom, drága, szerelmes barátom,

Akár borzalmas, akár nagyszerû,

Nem én kiáltok, a föld dübörög.

1924 elsõ fele

Écoutez ce poème en hongrois


Traduction de Gabor Kardos in Le Miroir de l'autre p.31Orphée , La Différence 1997

Écoutez en français

Ce n'est pas moi qui clame

Ce n'est pas moi qui clame, c'est la terre qui tonne,

Gare à toi, gare, car le diable est devenu dément,

Fuis au fond des sources pures et profondes,

Plie-toi dans la plaque de verre,

Dérobe-toi derrière la lumière des diamants,

Sous les pierres, parmi les insectes rampants,

Ô cache-toi dans le pain frais,

Mon pauvre, pauvre ami.

Infiltre-toi dans la terre avec les pluies nouvelles —

C'est en vain que tu plonges son visage en toi-même ,

Tu ne pourras jamais le laver que dans l'autre.

Sois la lame de la petite herbe,

Et tu seras plus grand que l'axe de l'univers.


Ô machines, oiseaux, feuillages et étoiles !

Notre mère stérile réclame un enfant.

Mon ami, mon amour d'ami,

Que cela soit terrible ou sublime,

Ce n'est pas moi qui clame, c'est la terre qui tonne.

Juin 1924

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Arthur Koestler, écrira (dans Ein Toter in Budapest (Un mort à Budapest) , 13 mai 1939 in Das Neue Tage-Buch(Paris-Amsterdam))ces mots quelques jours après le suicide du poète : «  Attila József fut considéré comme un grand poète dès l’âge de 17 ans, nous savions tous qu’il était un génie et pourtant nous l’avons laissé s’effondrer sous nos yeux… Je parle de cette affaire, car elle est caractéristique de par son acuité.

Elle s’est passée dans cette Hongrie “exotique”, au milieu de ce petit peuple qui est le seul à n’avoir aucun parent de langue en Europe et qui se trouve ainsi le plus solitaire sur ce continent. Cette solitude exceptionnelle explique peut-être l’intensité singulière de son existence… et la fréquence avec laquelle ce peuple produit de tels génies sauvages. Pareils à des obus, ils explosent à l’horizon restreint du peuple, et puis on ramasse leurs éclats

Ses véritables génies naissent sourds-muets pour le reste du monde. Voilà pourquoi c’est à peine si j’ose affirmer que cet Attila József dont le monde ne va pas entendre beaucoup parler fut le plus grand poète lyrique d’Europe(der grösste lyrische Dichter Europas). C’est un stupide sentiment du devoir qui m’oblige à déclarer cette mienne conviction, bien que cela ne profite à personne. Cela n’arrêtera pas le train non plus. »