Seize
Pont Mirabeau
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Guillaume APOLLINAIRE
Quand on a dix-huit ans et que le temps est beau
Avec son amoureuse on va pont Mirabeau
Le ciel a pris du bleu, les oiseaux leurs pipeaux
Tombe le soir le fleuve traîne
Regarde en bas, c’est la Seine
Margret est allemande. On visite Paris
La tour Eiffel l’agace, le Sacré-Coeur aussi
Je pense à Mirabeau, et nous voilà partis
Tombe le soir le fleuve traîne
Regarde en bas, c’est la Seine
Nous sommes face à face et nos mains font le pont
La Seine est bien dessous, mais l’eau point ne voyons
Tant la pierre est opaque. Quelle déception!
Tombe le soir le fleuve traîne
Regarde en bas, c’est la Seine
Nous revenons penauds. Le fleuve est gris, lent, pâle.
Margret est silencieuse. Le silence s’étale.
Les histoires d’amour, souvent, finissent mal.
Tombe le soir le fleuve traîne
Regarde en bas, c’est la Seine
Jacques Roubaud - Octogone-Vingt partitions parisiennes pages174-175 - Gallimard 2014