Association Encrier - Poésies

Rencontre avec des Peintres Rencontre avec Max Ernst : Le Monde des naïfs

Le Monde des naïfs-1965

Extrait de la page 110 du livre Max Ernst de Sarane Alexandrian,édité chez Somogy :

Quand la bibliothèque municipale de Tours établira le catalogue des Écrits et œuvres gravés de Max Ernst il y publiera une Introduction hiéroglyphique où il avait entremêlé en lettres semi -gothiques des phrases comme « qui falsifie les salsifis? » On ne saurait se prendre moins au sérieux lorsqu'on est un peintre « arrivé ». Il s'amusera à placer des « écritures » partout et même en faire un tableau Le Monde des naïfs (1965), confrontation de choses écrites pour ne rien dire, prenant le sens d'un éloge du « don des langues » propre au médium.

Le témoignage le plus récent le plus éloquent de la jeunesse du septuagénaire Max Ernst est son entretien avec André Parinaud dans Arts du 19 juin 1963 Il y montre un dynamisme ,et aussi un naturel ,une ténacité ,une force que pourrait lui envier bien des jeunes peintres :

André Parinaud — À quel moment peut-on dire que vous êtes devenu maître de votre art, que vous avez compris le clavier de votre plastique?

Max Ernst — Le moment n'est pas encore venu. Je trouve que la pire des choses qui puisse arriver à un artiste, c'est de se trouver . Il est perdu ,ou alors il faut qu'il oublie vraiment qu’il s’est trouvé, et je crois que jusqu'à maintenant j’ai réussi à ne pas me trouver.

André Parinaud — Peut-on dire que, dans une certaine mesure, votre peinture est une tentative pour vous éviter?

Max Ernst — Pour éviter de me figer ,oui .

André Parinaud — Vous essayez de vous étonner vous-même ?

Max Ernst — De ne pas rester fidèle à moi-même, dans le sens où l'on peut dire « rester fidèle à ses erreurs ». Toujours se méfier de moi . Pas par précaution plutôt pour éviter de me figer .

André Parinaud — Vous voulez vous dépasser?

Max Ernst — Mon but, c'est simplement de ne pas rester là .C’est peut-être une des formes de ce qu'on appelle l'inquiétude moderne…

André Parinaud — Votre peinture n'est pas purement plastique ?

Max Ernst — Non si c'était purement plastique ça ne dépasserait pas les bornes de ce qui est optique. L'œil est un organe ce n'est pas un cerveau .

André Parinaud — Ce qui vous intéresse donc c'est l'homme .

Max Ernst — C'est l'homme et c'est la jonction entre l'œil et le cerveau, et naturellement aussi ce qu'on appelle le cœur .

André Parinaud — Pourriez-vous renoncer à peindre?

Max Ernst — Si on me coupait les mains !