Association Encrier - Poésies

Rencontre avec des Peintres Rencontre entre Yves Bonnefoy et Gérard Titus-Carmel :Je rêve son tombeau cette façade

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Tombeau d'Alberti

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Rêva-t-il son tombeau cette façade ?

Il pressentit la harpe dans la pierre

Et voulut que le son de ces arcatures

Fût cet or qui accueille sur l'eau , le soir.


Ne change rien,

Disait-il à son maître d’œuvre, sinon la mort

Inquiéterait les nombres, vous détruiriez

“Toute cette musique”, notre vie .

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La façade est inachevée, comme toute vie,

Mais les nombres y sont enfants, qui y jouent, simples,

A rêver l’or dans l’eau où ils pataugent.


Ils se bousculent, ils se donnent des coups,

Ils crient, ils s’éclaboussent de lumière,

Ils se séparent en riant quand la nuit tombe .

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(Leon Battista Alberti, né en 1404 à Gênes et mort en 1472 à Rome, est l'un des grands humanistes polymathes du Quattrocento : philosophe, peintre, mathématicien, architecte. "Il fut l'un des tout premiers théoricien de l'art de la Renaissance à prôner un idéal d'équilibre.")

Dans son livre "Livre pauvre-Livre riche ", publié en 2006 chez Somogy , Daniel Leuwers fait les commentaires suivants (Pages 9 et 10) :

Ce qui est remarquable dans ce poème , c'est que , épousant apparemment l'idéal de rigueur de Battista , Yves Bonnefoy se réjouisse de se trouver devant une façade "inachevée".Le poète qui a écrit "l'imperfection est la cime" s'adonne à une variation sur l'incomplétude qui est la vérité de "toute vie" . Il y a quelque naïveté à vouloir édifier son propre tombeau - et Mallarmé n'a pas manqué de montrer , dans ses divers Tombeaux , qu'une faille était toujours perceptible . Aux "nombres" savamment organisés par les artistes de la Renaissance se substituent des "nombres" qui "sont enfants" et qui "jouent" et qui "se bousculent" et qui "s'éclaboussent de lumière" . Car la vraie lumière est là , dans l'inachevé , et si la nuit tombe , elle anticipe déjà un jour nouveau .

Au tombeau qui enferme, Yves Bonnefoy substitue la façade qui ouvre , qui s'offre au risque ,qui ne calcule pas .

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Chemins ouvrant , publié en 2014

"Cheminant vers ce qu’il aime appeler la « vérité de poésie », Yves Bonnefoy a toujours apprécié le voisinage des peintres et de la peinture, proximité à travers laquelle on devine la résonance intime, ardente et pourtant mystérieuse, qu’il pressent en cet art. Parmi ces compagnons de travail et de pensée, Gérard Titus-Carmel tient une place singulière. Cet artiste, lui-même poète, sait en effet les difficultés qu’un texte souvent oppose à se laisser illustrer, regimbant aux « illustrations mercenaires » qui le figent ou le défigurent. Voici donc près de dix ans que se tresse ce dialogue entre ces deux belles et voisines solitudes qui, d’une rive l’autre, semblent se héler. Ce dialogue est scandé par des œuvres majeures qui lui ont donné ses accents et ses formes. Ces œuvres révèlent une amitié vraie et, sans doute à la source de cette connivence, les contours d’une intuition partagée."

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Sur la collaboration de Yves Bonnefoy avec Gérard Titus-Carmel , consultez l'article de Marik Froidefond (Université Paris Diderot – Cerilac), « « N’est-ce pas mon hôte ? » Yves Bonnefoy, Gérard Titus-Carmel : un dialogue côte à côte », Fabula / Les colloques, Le livre en mouvement : poésie et arts visuels aux XXème et XXIème siècles, URL : http://www.fabula.org/colloques/document5146.php