l'alphabet et la palette.
C'est en 6e ou 5e qu'on découvre ce poème si joli et si triste à la fin ...
Plus tard, bien plus tard, on en comprend l'anti-militarisme...
Le Dormeur du Val lui fit connaitre le nom du poète qui composa les "Voyelles."
Vous savez ? :
A noir... E blanc... I rouge... U vert... O bleu . . .
Ecolier imaginatif, une question s'imposa : et les consonnes donc ? Elles n'ont pas de couleurs, elles ? Il joua avec :
BCD: gris, FGH : brun, JKL : marron, MNP : bistre, QRST : orange, VWXYZ : jaune...
Ce galimatias, griffonné dans son cahier de brouillon, et oublié dans une vieille malle au grenier, y dort encore...
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Augustoritum offrait une rétro de Louttre-B.
En s'y rendant il repensait à la vie du moment.
Une grande agitation entrainait les esprits en tous sens.
En passant devant St-Etienne il lui revint que si le sinistre harangueur du moment (!) changeait sa lettre initiale par celle de l'alphabet un air frais soufflerait enfin, peut-être...
Dans le Musée, confronté aux oeuvres exposées, ses goûts en peinture resurgirent. Ils partaient, comme pour beaucoup, des préraphaélites, avec un grand bond jusqu'à l'école impressionniste. Et en révérant Georgia O’Keeffe, Edward Hopper et Frida Khalo il saluait leur graphisme, leur rigueur, et la force vitale du XXième siècle.
Mais là, dans cette expo nommée : "le jour avant le bonheur", il était saisi, dépassé ...
Il fit plusieurs fois le tour de la salle, s'arrêtant devant chaque toile, pensif... Hésitant il pensa, avec ses critères limités, à une forme élaborée de post-impressionnisme abstrait inondé par un étrange colorisme vespéral.
Repartant il garda mentalement une oeuvre, de 1987, intitulée : "Sans coeur".
Seul l'artiste savait la raison de ce titre emporté avec lui, très loin...loin des yeux...loin du bonheur...
La plaquette de l'expo, à la page 10, lui rappela le poème des voyelles quant il le synthétisa avec ses mots :
"Paysage avec une maison, des arbres et un ciel au-dessus. Le bas du tableau montre une haie arbustive plutôt multicolore; au centre la maison symbolisée en blanc et brun. Le milieu présente une végétation vert clair/vert foncé sous un ciel voilé, bleu et blanc avec du gris."
"bcd, ooooo, bcd, ooo, u,u,a, wxy, u, bcd, u-vwx-u-ooooyvwx-wxy wxy,wx,-jkl- bcd, xyz- u-a-i-a-fgh, jkl-u-a-i-i."
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Bon...Il venait de revivre ses treize ans.
De fait ce jeu puéril masquait sa difficulté à comprendre l'oeuvre de Louttre-B.
Depuis longtemps déjà, et guidé par son incompétence, il pensait que les arts, oeuvres humaines, étaient des langages secrets. Tous ils disent, expliquent, induisent, parlent bas aux oreilles attentives, et exercées depuis l'enfance, pour certains...
Pour beaucoup ils demeurent cryptés, indéchiffrables. Pour d'autres ils apportent aide et réconfort. Et, pour une minorité d'heureux initiés, ils parlent, ils murmurent, ils disent l'indicible...Comment discerner l'invisible ? Comment franchir l'espace qui sépare la vie humaine de cet autre monde où il faut comprendre sans savoir parler ces langues inconnues ?
Comment passer sans dommages de Michel-Ange à...Picasso ? Qui reliera Lascaux et les dessins de Lurçat ?Quel cheminement peut mener de la Tapisserie de Bayeux au muralisme de Diego Rivera ? Le street-art serait-il la reviviscence de l'art pariétal ?
En s'éloignant Marc-Antoine Bissière a laissé, pour nous, entre-ouverte, la porte de l'atelier de Louttre-B...
D'aucuns, étonnés, y glisseront un regard ; d'autres, en franchissant cette porte de verre, sauront saisir ses élans, ses détours et ses envoûtements...
Heureux soient-iels . . .
Commentaires 2
Quelle sincérité dans ton texte.
Oui beaucoup de personnes peuvent être démunies et extérieures devant certaines oeuvres d'art mais se gardent de l'avouer.
J'ai trouvé que Louttre B. est plutôt art décoratif et reste superficiel dans ses tableaux : où est la vie intérieure ?
Mais comment savoir parfois s'il n'y a pas charlatanisme dans des oeuvres récentes ? Et du snobisme et du commerce....
Dernièrement, j'ai découvert Dialogue avec le visible, connaissance de la peinture, un livre de René Huyghe paru il y a 50 ans . Je trouve ce livre de fond très éclairant et pas difficile à lire ; il est disponible à la BFM.
Sur les murs du musée le peintre Louttre B. se montre et le narrateur tente de le rencontrer.
Pour cela, ce dernier fouille dans son vécu, dans ses connaissances, il veut entrer en communication avec l'oeuvre.
Malgré de nombreuses tentatives, il n'y parvient pas mais il s'abstient de tout jugement négatif.
J'aime cet écrit riche, sincère, tolérant et qui montre qu'il est possible de faire preuve d'un acte créatif même sans apprécier l'objet initiateur .