HISTOIRE D’ELLE ( avec les inducteurs: mérite; boucles d’oreilles; colifichets; gym; contorsionniste ; aspic )
Son étoile directrice pour suivre son chemin, c’était l’opinion de son père qui gravitait autour du mot « mérite » .
Le père était un homme d’âge mur, ( la faute d’orthographe bien involontaire qui parle!) élancé, brillant, respecté, l’homme idéal en somme.
Elle avait un besoin fou qu’il la regarde, la trouve belle et soit fier d’elle.
A l’adolescence pour qu’il la voie, elle s’est couverte de boucles d’oreilles, colifichets de toutes sortes…Elle est restée invisible à ses yeux d’homme.
Puis, elle a sculpté son corps dans les salles de sport... Il est resté indifférent .
Elle a perdu sa jeunesse à force d’études pour être conforme aux désirs paternels; « C’est pas mal mais tu peux mieux faire »répétait-il, lui qui voulait le meilleur pour sa fille, au nom de l’amour.
Au fil du temps, des mots comme découragement, désolation, chagrin …ont pris corps en elle, à son insu.
Le temps des boucles d’oreilles, colifichets, silhouette gracieuse et sculpturale s’est effacé, jusqu’au goût d’apprendre qui lui aussi a succombé .
Les nuits se peuplaient d’insomnies et la jeune femme n’arrivait plus à s’accrocher au moindre espoir qui l’ aurait emportée dans les bras du sommeil. Elle regardait par la fenêtre, entendait les bruits de la ville, étrangère à la vie.
Une nuit de pleine lune, elle a cru voir sur le toit de l’immeuble d’en face une silhouette qui semblait gesticuler.
Elle s’est crue folle, victime d’hallucination mais la nuit suivante, la silhouette ondulante était de nouveau là !
Scrutant l' obscurité avec entêtement elle a vu une sorte de contorsionniste danser avec un énorme serpent genre cobra. Aucun livre ne lui avait jamais procuré pareille exaltation .
Elle aurait voulu que ce spectacle vivant ne finisse jamais .
Le passé a fait une brève traversée en elle, lui rappelant que les hommes et les serpents sont des créatures dangereuses dont il faut toujours se méfier, mais très vite cette pensée a été balayée par une émotion très forte : Pour la première fois de sa vie, elle a eu peur pour le couple homme-serpent; elle aurait presque prié pour qu'il ne lui arrive pas malheur .
Au fil des nuits, elle a senti son corps s'échapper d’un carcan et elle a dû obéir à une force vitale qui l’a fait s’approcher irrésistiblement de l’acrobate au serpent…
Le temps s’est écoulé, le serpent est parti, et un jour, hasard ou non, la presse nous apprendra que la jeune femme et le contorsionniste vont donner leur nouveau spectacle au théâtre de la ville de l’histoire.
Le père aura bien sûr un colloque à l’autre bout du pays, il ne pourra pas assister …mais le regrettera! ( c’est si facile les pirouettes virtuelles avec des mots )
Elle, elle cherchera le regard de son père dans la foule des spectateurs; évidemment elle ne le croisera pas . Dans un premier temps elle sera follement triste, lui viendront en tête la crainte de rater le numéro et même l’idée de se sauver pour rejoindre son père mais rassurez-vous, elle se ressaisira vite et le spectacle dégagera une énergie, une poésie inoubliables .
Commentaires 1
C'est toujours aussi bien écrit.Bravo et merci