Le vin du solitaire
Le regard singulier d'une femme galante
Qui se glisse vers nous comme le rayon blanc
Que la lune onduleuse envoie au lac tremblant,
Quand elle y veut baigner sa beauté nonchalante ;
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Le dernier sac d'écus dans les doigts d'un joueur ;
Un baiser libertin de la maigre Adeline ;
Les sons d'une musique énervante et câline,
Semblable au cri lointain de l'humaine douleur,
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Tout cela ne vaut pas, ô bouteille profonde,
Les baumes pénétrants que ta panse féconde
Garde au coeur altéré du poète pieux ;
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Tu lui verses l'espoir, la jeunesse et la vie,
- Et l'orgueil, ce trésor de toute gueuserie,
Qui nous rend triomphants et semblables aux Dieux !
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Le premier quatrain est cité dans le chapitre 36 du roman "Sorcier" de Jim Harrison , page 217 dans l'édition de 1983 chez Robert Laffont :
Sous la douche , le rire de Laura lui revint en mémoire . Laura! L'écho de son nom se mêlait au souvenir de cette lune tropicale dont ils avaient regardé ensemble l'ascension , une lune ronde et grasse comme une moule bouillie .
" Tu la vois bouger ? demanda Sorcier
-- Oui mon amour . J'ai toujours aimé suivre les mouvements de la lune et des nuages . Cela me fait penser à ces vers de Baudelaire :
Le regard singulier d'une femme galante
Qui se glisse vers nous comme le rayon blanc
Que la lune onduleuse envoie au lac tremblant,
Quand elle y veut baigner sa beauté nonchalante ;
--"C'est merveilleux ".
Le sens du poème lui échappait complètement et , pourtant , il se trouvait dans cet état de grâce exceptionnel où tout semble possible , même de jouer du piano alors qu'on ne possède aucune notion de solfège ."