L’ÉCOT DE FEU
LE BÛCHERON
je parle des arbres je n’en crois que l’écorce
la hauteur scintillante devant le maître de raison
la raison déchirante des blessures prend feu à la gorge
le meurtre flotte dans l’abondance saisie des abeilles
ni boue ni soleil rien que terre de branches
et le cri vaporeux répandu dans le sang
la mort nous talonne nous la donnons aux autres
géante de vagues elle désarme l’avare
L’OISELEUR
c’est de vie qu’est bâti le lit de réveil
des gouttes de cris transpercent les mains
tends-les somnolence de corps palpitant
aux minuscules étreintes ravies de se voir
LE BATELIER
il est dit de l’herbe comme de l’or des cloches
la lumière ne s’endort ni l’instant ne survit
l’onde lasse des flûtes subtiles
dans la ronde violence des pierres assises
LE BÛCHERON
les cymbales de mille surdités enfouies
L’OISELEUR
cruauté vagissante aux yeux tendres de feuilles
LE BATELIER
où je passe la conscience perd son aveu
L’ENFANT
qui danse mange son pain vivant
les yeux dans la bouche des bonbons
qui court voit son cheval monter à reculons
l’écriture de fourmis entre les pattes
à l’école des quatre vents de loterie
il y en a chez la voisine à crinoline
fume la pipe escargot gagnant
je suis un arbre ver luisant oiseau
la rivière est dans ma tête
si le bûcheron me tue
l’oiseleur prend ma maison
le pêcheur fouette mon flanc
je connais ma vie par cœur
je mange ma faim je danse ma peur
je la brise sur l’amadou des espadrilles
Tristan Tzara -Le fruit permis