Encrier 87

Textes de Daniel Texte de Daniel du 27 janvier - JEU 1

Nos jours sont comme ça. Ils commencent dans l'hébétude douillette d'une vie confinée...

Douze mois de nombrilisme auto-centré laissent de solides réflexes conditionnés.

Parmi ceux-ci le suivi assidu de la messagerie procure un plaisir comparable l'apparition

du facteur, casqué et masqué, devant le portillon au bout du jardin.




On y voit de tout sur ce média : des infos, les "news", des vraies et des "fakes", des diapos/rigolos,

des beaux et des vilains. Les plus attendus, car espérés, sont ceux qui émanent de notre Encrier...

Celui du 19/01/21, à 15h40, m'a secoué tant il me renvoie bien des décennies en arrière...

La phrase 7 me fait revivre les tortures vécues à la Communale de mon quartier, les jours de pluie

et de géométrie.

Je résume les choses en citant (il le faut bien...) ce qui est un des sommets de la logique euclidienne :




"sauf preuve du contraire la distance la plus courte entre deux points est la ligne droite"




C'est vrai, en théorie, au tableau noir avec une craie blanche et l'autorité du maître à l'appui.

Cette affirmation a donné le jour aux multiples générations de mesureurs, d'arpenteurs, de

comptables de parcelles voisines et disputées; convoitées des géomètres soucieux de limiter

la liberté de circuler et, ainsi, d'amplifier les querelles entre voisins, alimentant des procès

sans fin. Ah ! Quelle engeance ! Parentèle des chicaniers, des procéduriers et litigieux de tous poils.

Ils posent des bornes partout, autorisent les murs de clôtures, mitoyens ou non, implantent des

frontières avec des lignes Maginot et finissent par les boulevards de ceinture emprisonnant des

flots de gens eux-mêmes emprisonnés dans des cages mobiles qui tournent en rond sur des

périphériques sans début ni fin parce qu'ils sont sans queue ni tête...




J'aperçois déjà les sourcils froncés des disciples d'Euclide, Pythagore, Thalès et de tant d'autres...

Je les comprend sans les féliciter pour autant. Parmi tous les géo-matheux, le plus drôle de tous

c'est August Ferdinand Möbius. Il tire la langue, depuis 1858, à tous les euclidiens et à leurs

parallèles qui ne se rencontrent (les pauvres...) qu'à l'infini...Et pour cela il brandit toujours son

fameux ruban torse qui fait, depuis, la nique aux cartésiens raisonneurs.




Venons-en à notre sujet. Comment peut-on poser une telle affirmation ? Que la distance la plus

courte entre deux points est...'bla-bla-bla'... Ignorer à ce point ce qu'est le temps, la durée, la nature

des matières concernées, les difficulltés inhérentes à la topologie, à la météorologie, à la résistance

intrinsèque du corps humain et encore à d'autres paramêtres secondaires mais incontournables tels que

          l'ennui qui naquit, un jour, de l'uniformité comme chacun le sait.

Car enfin, ce qu'il faut bien voir c'est le point où l'on est : A (le départ) et le point visé : B (l'arrivée).

Donc, d'abord, bien étudier où l'on est, puis le lieu où l'on sera, élémentaire non ? Et se souvenir, aussi,

que la planéité géométrique a formaté, ad vitam, (presque) tous les cerveaux juvéniles.




Si, d'aventure, le chemin A-B est montueux, accidenté, raboteux et qu'un autre (nommé A'-B')

est plus long, sinueux mais plat et par conséquence adapté à la marche rapide, voir à la course pratiquée

dans les environs de Marathon. Les concurrents A & A' s'élanceront ensemble en direction de B & B'.

Que croyez vous qu'il en adviendra ? Eh bien, notons-le : le parcoureur A', arrivé au point B', attendra

le temps qu'il faudra pour voir son concurrent A arriver, enfin, tête basse, souffle court et pieds douloureux...







Et s'il fallait, illico, refaire les mêmes trajets en sens inverse, le marcheur B-A perdrait, peut-être,

la vie, par épuisement inéluctable dans cette seconde épreuve inhumaine, on peut le craindre !

A l'abri du couvre-feu, j'entend les esprits forts lancer, dédaigneux, leur maxime très surfaite :

                   "point ne sert de courir il faut partir à point" !

A tous ces beaux esprits je propose mon : "courir ou mourir, il faut choisir"...Formule qui a sauvé la

vie à des foules innombrables au fil des siècles (cf :ce que fut la retraite de Russie pour la Grande Armée...)




Depuis trop longtemps c'est la devise des 'géomètreurs-non-euclidiens' qui proclament que :

         lorsque les bornes sont franchies il n'y a plus de limites...

Quel bonheur, vraiment, en notre époque, de se savoir en situation d'aller si loin alors que

fleurissent les limitations de déplacements en exhibant un laisser-passer mensonger...

Qu'importe la distance car le temps ne fait rien à l'affaire et... un point c'est tout !

Commentaires 1

  • Alpico

    Merci pour ce texte d'actualité.
    J'ai envie de préciser :

    "lorsque les bornes sont franchies il n'y a plus de limites" : cette formule impérissable figure dans La famille Fenouillard , antique BD dûe à Christophe, père de l'illustrissime Sapeur Camember et aussi du L'idée fixe duSavant Cosinus.

     

     

     

    Je ne peux pas m'empêcher d'illustrer ton texte de cette superbe bande de Moëbius , gravée par M.C Escher :

     

    Alpico

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