Encrier 87

Textes de Frédérique Texte de Frédérique du 30 mai : L'encrier d'Alger

L’encrier d’Alger.




C’est un encrier. Un encrier venu d’Alger que la petite fille regarde. Elle touche sa froideur métallique, sent un dépôt s’alanguir dans sa gorge, un odeur de poudre. Elle écoute le son du clapet se déposer doucement sur le cylindre.

L’encrier est formé d’un métal gris, rayé de quelque écorchure. L’encrier à proprement parler est un cylindre de deux trois centimètres de diamètre, avec un réservoir en plastique. Il n’ y a pas de trace d’encre quand l’enfant le regarde. Son couvercle légèrement bombé est recouvert d’une photo miniature prise de vue en plongée d’Alger. Jouxtant le cylindre, il y a un chameau. Les doigts de l’enfant s’attardent sur les bosses, les dénivelés. C’est un rêve éveillé que ce vide propose.

L’histoire de l’encrier se compose et crée ce qu’elle voit de la mort.

L’encrier a appartenu à l’oncle Pierre qu’elle n’a jamais connu, rencontré qu’à travers la photo posée sur le buffet de la grand-mère paternelle. Pierre est mort depuis longtemps. Ses cheveux bouclés sont noirs de geai et il porte une fine moustache. Son regard n’est pas rieur au moment de la photo. Il porte une veste de complet.




Pierre s’est pendu, dans un puits.

Pour l’enfant, l’encrier et le puits sont liés au liquide noir qu’ils contiennent.

Le récit familial raconte une peine de cœur, mortifère, une liberté non prise au-delà de la mère et du père. Un trop plein ou pas assez, ce n’est pas égal, mais le fait est là. Il est mort de ne pas être écouté, vu, lu, pensé de son désespoir.

Pour l’enfant qui grandit, l’encrier est cette matière première conjuguant le dur et le liquide, de ce qui tisse les vies, de blessures inécoutées, invisibles, à écrire en lettres d’amour.

L’encrier est gris noir et blanc ; La plume se gorge d’encre et forme le tronc d’un arbre, l’histoire ne dit pas lequel, un tilleul, un olivier ? - mais celui d’un arbre en paix.

Commentaires 1

  • Alpico

    Ton texte m’a fait penser à un chapitre de « Vies minuscules » de Pierre Michon : il s’agit du chapitre « Vie d’’Antoine Péluchet « ,page 33 du  folîo 2895 .

    Il commence ainsi :

    » A Mourioux dans mes premiers âges , il arrivait lorsque j’étais malade ou seulement inquiet , que ma grand-mère pour me divertir allât chercher les Trésors . J’appelais ainsi deux boîtes de fer-blanc naïvement peintes et cabossées qui avaient jadis contenu des biscuits , mais qui recelaient alors de toutes autres nourritures ; ce qu’en tirait ma grand-mère , c’était des objets dits précieux et leur histoire , de ces bijoux transmis qui sont mémoires aux petites gens . des généalogie compliquées pendaient avec des breloques aux chaînettes de cuivre ; des montres étaient arrêtées sur l’heure d’un ancêtre; parmi les anecdotes courant sur les grains d’un chapelet, des pièces portaient, avec le profil d’un roi, le récit d’un don et le nom manant du donateur . »

    Ton récit sur l’encrier d’Alger et la tragédie qu’elle évoque pourrait faire partie de ce Chapitre.

    Merci pour ce beau texte

    Alpico

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.