Encrier 87

Textes de Magali(samedi) Texte de Magali (samedi) du 20 novembre

Les années passent, les saisons reviennent. A chaque nouveau cycle l’été laisse sa place à l’automne et l’automne à l’hiver. Lorsque les jours se font plus courts, les nuits plus longues et plus froides, tout le village se ralentit et hommes et femmes, et vieillards et enfants, tous se regroupent autour de la cheminée. Lorsque la nuit noircit, lorsque les ombres s’allongent et que le feu projette des lueurs d’or fondu sur les murs, chacun tend l’oreille et guette. Mais que guette-t-on ? Les bûches craquent, léchées par les flammes, le vent siffle dans les hauts châtaigniers délestés de leur feuillage… Soudain l’assistance frémit. Une aïeule somnolente redresse la tête, tout à fait réveillée. Les petits ont arrêté leurs jeux. Le Paulet se lève de son fauteuil et esquisse quelques pas vers le fenestron dont il soulève légèrement le rideau.

« Oui, c’est lui, dit-il en se tournant vers l’assemblée. »

De nouveau, le signal qu’ils attendaient, et qui semble tout près maintenant, retentit dans le silence ouaté de cette nuit montagnarde.

Le long hurlement d’un loup, rapidement repris en chœur par la meute, est interrompu par trois coups brefs et sonores frappés à l’huis.

Déposant son ouvrage sur le banc, la Thérèse se lève lentement et, à petits pas, s’en va ouvrir au visiteur.

« Le bon soir, Jaume. Entre vite te mettre auprès du feu.

- Merci bien Thérèse. Il fait un froid à faire fendre les pierres, là-dehors. »

Avant d’entrer, le nouveau venu frappa des pieds afin de décrocher les paquets de neige agglutinés à ses bottes. Puis, se défaisant de son épaisse cape de feutre et de son chapeau à large bord, il prit place au coin de l’âtre tandis que la Thérèse revenait à ses aiguilles.

Jaume soupira d’aise en tendant ses larges paluches à la chaleur des flammes. Après un long moment passé à savourer ce plaisir simple, élémentaire, de la chaleur d’une bonne flambée et de la société, ponctué par le cliquetis des aiguilles de la Thérèse, Jaume prit la parole.

« Alors, mes amis, quelles nouvelles depuis l’an passé ? »

Et chacun de lui apprendre, qui un mariage, qui un décès ou encore une petite anecdote croustillante. Lui est aussi présenté le dernier né, le petit caganis au menton tout couvert de lait chaud mais dont les yeux s’ouvrent déjà tout grand devant cet étranger familier. Et très vite, trop vite même, Jaume se lève de son banc, agrafe de nouveau sa lourde cape, enfonce son chapeau sur son crâne et salue l’assemblée.

« Oh, déjà Jaume ? Tu nous quittes alors que tu viens juste d’arriver !

- Hélas oui, mes amis. Vous savez pourtant bien que mes compagnons m’attendent. Je reviendrai l’hiver prochain, comme chaque année.

- Bien sûr Jaume. Tiens, je t’ai rempli ta gibecière. J’y ai mis les pièces qu’ils préfèrent, et des plus grasses. L’hiver s’annonce rude.

- Merci bien Paulet, et au revoir. Je ne dois pas trop tarder, ils s’impatientent vite. »

Tout près, les loups s’étaient remis à donner de la voix, et Jaume sortit rejoindre ceux qu’il menait loin des hommes.

Commentaires 2

  • Alpico

    Quelle atmosphère, je vois la scène.

    Reste le secret de cet "Homme aux loups" .

    Que représente-t-il pour cette famille?

    J'aime bien qu'il subsiste une part de mystère.

    Alpico

  • Lilah

    Magali la mémoire vive de ce passé !
    Comme ils font du bien, par ces temps d'isolement, les contes où les portes s'ouvrent , où les mots simples s'échangent au coin du feu !
    Giono est tout près !

    P.-S. Saura-t-on ce qui va arriver à l'homme aux loups?

    Lilah

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