Je décide de conduire les mots sur des chemins inattendus. Le besoin d'écrire est dans mes doigts, cependant, ce matin, je manque de concentration et d'inspiration.
Je les devine circonspects, ces mots. Peut-être n'ont-ils aucune envie de s'aventurer sur des chemins ? Peut-être craignent-ils l'inattendu ? Néanmoins, j'ai un texte à rendre, moi ! Alors, je les appelle avec conviction, je les supplie de me venir en aide. Mais je sens bien qu'ils glissent, tous, sans exception. Je tente de les retenir, maladroitement. Ils sont plus forts que moi, de cela je n'en doutais pas ! Ils glissent toujours, ils s'agitent, ils trébuchent en se heurtant les uns aux autres, reprennent l'équilibre et flottent encore et encore entraînant dans leur escapade leurs petites lettres toutes affolées.
Hésitante, je m'efforce de les ramener à moi. M'auraient-ils déclaré la guerre ? Non, impossible, pas les mots, mes compagnons de route, ma ressource inépuisable !
Et voilà qu'ils finissent par m'écouter et viennent enfin échouer dans mon cerveau : ils sont prêts à former des bouquets de phrases. Je peux maintenant les utiliser comme bon me semble, les laisser couler comme un ruisseau vif et limpide, en me délectant de chacun d'entre eux.