Encrier 87

 Couleurs pour temps de confinement

  Les uns disent blanc, les autres disent noir , bref résumé des informations fournies par nos éminences grises en cette période de pandémie. En ce moment , le quotidien n'est ni rose, ni même cuisse de nymphe. Il ne faut surtout pas oublier d'écrire noir sur blanc le motif et  l'heure de chacune de nos sorties même si, faisant preuve d'un peu d'opportunisme,nous pouvons allonger la promenade pour dépasser un kilométre en franchissant l'enclos de notre prison dorée.

Nous n'avons pas le feu vert pour nous retrouver à l'atelier d'écriture, ni pour être dans le rouge à la banque en utilisant notre carte bleue au-delà de nos possibilités, ni pour oublier d'apposer le disque bleu sur le pare-brise de notre voiture dans les villes où il est encore obligatoire pour stationner.

C'est ainsi que parfois nous pouvons être rouges de colère, rire jaune, devenir blancs comme des linges face à ces multiples contraintes et à la peur bleue d'attraper la maladie Le petit zébre n'est-il pas plus heureux dans son zoo, nous demandons-nous?

Enfin, il est de bon ton d'aller rendre visite à notre parente âgée, une cousine de Tatie Danielle, toujours pimpante dans sa robe couleur zinzolin qui nous reçoit dans son salon au canapé caca d'oie et aux fauteuils vert véronèse dans une atmosphère surannée.La moutarde nous monte au nez lorsqu'elle se contente de nous proposer un verre de grenadine, en souvenir de notre enfance dit-elle avec un sourire narquois, que nous acceptons par politesse nous promettant de ne pas revenir de si tôt.

Alors que faire ? Jardiner si nous avons la main verte, cuisiner si nous sommes des cordons-bleus, mais surtout rester blancs comme neige en ne travaillant pas au noir ce qui pourrait rendre rouge de honte quiconque ferait l'objet d'un contrôle sauf si les inspecteurs n'y voyaient que du bleu.

Nous pouvons aussi choisir de nous réserver des moments de bien-être personnel: adopter une tenue vestimentaire qui sied à notre teint et à la couleur de nos yeux, porter notre regard intérieur sur une plage de Tahiti, redécouvrir le" Bleu "de Y Klein ou" l'Outrenoir" de P Soulages, relire le poème de J Prévert intitulé "Couleurs de Paris ".

Tout ce qui nous donne des ailes en nous envoûtant peut nous offrir sur ce sol terrestre un petit coin du monde céleste et ce quelque soit la situation dans laquelle nous nous trouvons.