Encrier 87

  Monsieur Panard avait peur de tout dans la vie: une terreur maladive d'attraper les virus, une méfiance constante à l'égard du diagnostic des docteurs et même une appréhension à mettre en route sa machine à laver.

Dans des circonstances analogues, Monsieur Lajoie ,homme d'un naturel optimiste, savait prendre du recul. Il ne craignait rien ;" les portes fermées de l'existence sont faites pour être ouvertes "se plaisait-il à répéter pour signifier que toute difficulté peut être surmontée.

C'est ainsi qu' un soir,il questionna sa femme, sans la moindre hésitation, lui demandant si, par hasard, elle ne serait pas amoureuse d' un autre homme. Il avait, en effet, quelques doutes depuis un certain temps par rapport à ses retards, ses pleurs, ses silences d'autant plus qu'il venait de trouver dans leur boîte aux lettres une enveloppe cachetée noircie par une écriture inconnue adressée à l' attention de Madame Lajoie.

Quelque soit la réponse, il prit la décision de ne pas entrer dans la nuit de l'enfer, celle où conduit l'usure d' une existence où aucune promesse n'est tenue, où personne ne vient relever celui qui tombe sur une grande plage déserte.

La vérité a éclaté lorsque l' aube s' est levée. C'était fini; le temps de la séparation était venu et vers midi, elle deviendrait définitive.Monsieur Lajoie partirait avec le chaton échoué dans leur jardin et une valise remplie de livres dans lesquels il découvrirait, au fil de ses lectures, d'autres univers que le sien. Pour le reste , il chargerait son notaire de procéder aux formalités du divorce. Après la stupéfaction, il ne tomberait pas dans les ténébres du coeur et de l'esprit.