Hui-zong - Vol de grues au-dessus du palais
Texte de François Cheng :
"La grue, comme l'aigrette, sa cousine, symbolise la longévité : sinon l'immortalité, au moins ce qui est appelé à perdurer, par-delà les saisons. Ainsi de l'oeuvre des hommes et des édifices qu'ils construisent.
A ceci près qu’aux yeux des Chinois la noble durée, ennemie de la pesanteur, ne saurait s’étayer de triviales précautions du solide. Mieux lui va d'accepter la précarité, insoucieuse des liens, de tout ce qui entrave le possible envol. À quoi souscrit ici l'empereur lui-même, qui imagine un palais, bien réel pourtant, logé quasi en plein ciel.
On sait que les architectes chinois, amis des courbes, ont toujours eu souci de donner des ailes à leur toits : façon de rappeler que le lieu de l'Homme se situe entre Terre et Ciel ; et qu’aux yeux du sage, le but de l'existence est moins de s'établir que de s'évader."
Ce trait avait frappé Segalen qui écrit dans Lettres 'de Chine :
« ici, la construction est indurable et légère et précaire, mais elle tient une autre puissante qualité : le monument chinois est mobile, et ses hordes de pavillons, ses cavaleries de toits fougueux, ses poteaux, ses roues de nuages et ses flammes. Sa structure et ses décors sont prêts, toujours, éternellement prêts au départ, sont nomades. Rendons-lui son en-allée , sa fuite, son exode et sa procession éternelle. Et c'est la danse, c'est l'Orchestique de l'architecture de ces immuables nomades. Étrange aperçu de cet élément contradictoire et double : le Chinois infère un parti pris de répétition éternelle : il fut nomade ; il a persisté durant 4000 ans à piétiner sur place ! »