Association Encrier - Poésies

Rencontre avec des Troubadours Rencontre avec Pierre Cardenal (1180-1278) : Ma dette envers Dieu

Écoutez Henri Gougaud

Ma dette envers Dieu - Traduction de H. Gougaud

1-

Je voudrais , si c’était possible,

donner à Dieu tout ce que j’ai

mon chagrin , ma vie malhabile

Moi je serai Dieu comme il est

me ferai tel qu’il m’a pétri

lui donnerai ce que j’ai pris

2-

Si les méchants et les rapaces

ont le meilleur de tous ses biens

que ceux-là lui rendent grâces :

pour ma part je n’en ferai rien

Dieu à moi ne m’a rien donné

qu’une âme que je lui rendrai

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Texte original et autre traduction trouvés sur le site www.cardenal.org :

Ben volgra, si far si pogués (Ma dette envers dieu)

I

Ben volgra, si far si pogués,

Que Dieus agues tot so qu'ieu ai,

E lo pensament e l'esmai,

Et ieu fos Dieus si con el és;

Qu'ieu li fera segon que-m fai,

E-l rendera segon c'ai prés.

1

Je voudrais bien, si cela se pouvait ,

que Dieu eût tout ce que j'ai,

et mon souci, et mon tourment,

et moi, que je fusse Dieu tel qu'il est.

Alors je le traiterais comme il me traite,

et je lui rendrais selon ce que j'ai reçu.

II

Car tut li croi e li malvai

Tenon lo miels de totz sos bés,

Aquilh l'en rendan las mercés:

Qu'ieu non o fas ni o farai;

Ni de Dieu non tenc un pogés,

Mas un' arma que li rendrai.

2

Puisque ce sont les gens ignobles et corrompus

qui détiennent la meilleure part de tous ses biens,

que ceux-là lui en rendent grâces :

car moi je ne le fais, ni ne le ferai.

De Dieu je ne tiens pas le moindre denier ,

il ne m'a donné qu'une âme, que je lui rendrai.

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Commentaire trouvé sur le site www.cardenal.org :

"Tout l'art de Cardenal en deux couplets.

La liberté de ton au service de la noblesse d'âme, le vers incisif et d'une redoutable efficacité, tout concourt à faire de cette pièce un des sommets de l'oeuvre.

Lavaud date ces Coblas de 1235. Camproux les date plutôt de après 1249, lorsque Piere Cardenal. allait de cour en cour à la recherche de nouveaux protecteurs. Cette dernière hypothèse semble meilleure si l'on considère la tonalité de la pièce.

Le sirventès XXXVI (Un sirventès novel vueill comensar) est dans le même esprit.

Le "pogès" de l'avant-dernier vers désigne un denier du Puy, monnaie de faible valeur.

Texte souvent choisi pour figurer dans les anthologies.

Texte faisant partie des "Tròces causits"