Gravure de Deusenry
Si les joyeux oyselets
Dessus les verdes fleurettes,
Et par les bois nouvelets
Degoysent leurs amourettes, 44
Pourquoy ne diray-je aussi
Le seul plaisir de ma vie,
Puis qu'amour le veult ainsi,
Et que le ciel m'y convie ? 48
Le flambeau(le soleil), dont les chaleurs
Ardent l'antique froidure,
De mille sortes de fleurs
Repeingt la jeune verdure : 52
Et le Dieu, qui mes désirs
Brusle d'une saincte flamme,
Mille sortes de plaisirs
Replante dedans mon âme. 56
Tout ce, qui l'hyver s'est veu
Morne, transi, froid et blesme,
Sent maintenant ce doulx feu,
Et moy je suis le feu mesme. 60
Des fleuves les piedz glissans
Frappent leurs plus haultes rives,
Et les sommetz verdissans
Rehaulsent leurs testes vives :64
Des-jà les seps tournoyans
Autour des branches verdoient,
Jà les verdz sillons ployans
Par les campaignes ondoient. 68
Joachim du Bellay - Divers jeux rustiques