CURIEUSES AMOURS
C'est en fin de traduction que se posa la question d'un titre pour son texte. Souriant pour elle même elle remercia le célèbre trio transgenres pour son aide. Ce serait; "...curieuses amours...". Merci à vous "amour, délice et orgue" . . .
En fac-socio elle circulait en Europe avec Erasmus pour proposer son questionnaire au plus grand nombre. Elle préparait ainsi son mémoire de fin de cycle dont le titre annonçait le contenu :
"Mots et dits sociétaux dans une Europe en devenir"
Alors l'offre de ce grand magazine féminin d'un poste de stagiaire-pigiste tomba à temps pour aider ses recherches. Certes c'était non payé mais défrayé, alors...
Elle rentrait de sa première mission : sur un AR en TGV, Paris-Vienne, il lui fallait prendre livraison d'un journal très personnel, tenu cinquante plus tôt par Iris Apfel. A cent ans c'était toujours une femme vive, élégante et diserte. Médiatique au possible.
Mais une vacataire ne franchit pas tous les seuils...Elle reçut des mains de la "frau kuratorin" un gros cahier fatigué, tout en anglais, peu lisible et qu'elle entreprit de déchiffrer pendant le retour.
D'un passé torrentueux, touffu, compliqué, elle dégagea les deux noms de deux amants d'Iris. L'un, Jack, sans doute Anglais, parlait de son amour brûlant. Le second, qu'elle pensa Russe, semblait émerger d'un nuage de Marie-Jeanne, plongé dans un bain de 102 . . .
Jack, enfiévré, offrait à Iris un amour lyrique et délirant :
"...mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour, pour Toi mille fois je pris ma plume pour partager nos secrets, tes serments, tes doutes...bien sûr tu avais d'autres amants... mais nous sans être vieux, sans être adultes nous avons eu le talent de nous garder de piège en piège...Tu voulais laisser faire le hasard, mais n'est-ce pas le pire piège que de lui laisser nos vies ? Ô mon Amour, mon doux, mon tendre amour, mon merveilleux amour... de l'aube claire jusqu'à la fin des jours, je t'aimerai...je t'aimerai..."
La suite était indistincte, peut-être les larmes qui, souvent, ponctuent les lettres d'amours, quand elles finissent...
L'écrivailleur suivant, Sergueï, s'invitait pour parler d'amour à Iris, sans jamais lui dire : "...je t'aime..." une fois... "
...laisse parler mes petits papiers, puissent-ils un soir te consoler...laisse brûler mes petits papiers pour qu'une nuit ils puissent te réchauffer...ensemble désir et plaisir parlent d'amour...mais chagrin et tristesse sont chassés des paradis. Laisse glisser tes sentiments ils m'appartiennent...mais ne sont-ils que du vent ? Si j'en meurs mes petits papiers, à l'occasion te consoleront..."
La pigiste débutante releva ensuite une litanie, incantation anaphorique évadée des brumeuses pensées de Sergueï :
...papiers chiffons...papier buvard, papier de riz ou d'Arménie, papier maïs, papier velours, papier collant, papier carbone, papier doré, papier machine, papier tue-mouches, papier d'argent, papier monnaie, papier à fleurs..."
La rédac-cheffe, du grand hebdo féminin, plaqua d'une main agacée un post-it sur le tapuscrit de la stagiaire.
On y lisait :
"...à réécrire en mode drôle ! pour parution dans les pages finales avec les jeux !..."
n.b. : Iris Apfel est morte début mars 2024; Elle avait 102 ans.
Commentaires 1
Comme cette IRIS m'intriguait, Une petite recherche , et j'ai trouvé :
"Elle a régné sur la mode et le New York mondain pendant plusieurs décennies. Ce vendredi 1er mars 2024, l’incontournable et attachante Iris Apfel s’est éteinte à son domicile de Palm Beach, en Floride, à l'âge de 102 ans. “Je refuse de devenir une vieille schnoque. Je me suis décerné le record de l’adolescente la plus âgée au monde et je suis bien décidée à ne rien changer”, déclarait-elle". J'ai trouvé aussi ce portrait :
Merci d'avoir imaginé cette histoire , pleine d'humour, de Mémoires d'Iris, avec sa chute ...cruellepour la stagiaire-pigiste ( les média sont sans pitié)