Encrier 87

Texte écrits en juin hors atelier avec pour inducteurs : IF de R. Kipling, Saturne de Brassens, phrase de M.Duras Texte de Jean : Il a vingt ans

À la mémoire de Henri

Il a vingt ans .

Enfant , il adorait quand sa famille l’emmenait au théâtre .Et voilà qu’il a l’occasion de participer, sur son lieu d’études , à la création d’un spectacle : une représentation de la pièce de Sophocle : Oedipe-roi , mis en scène par Jean Lagénie, Instructeur National d'Art dramatique.

Tout cela le captive : fabrication d’un décor , accessoires à imaginer , costumes à créer , répétitions , textes à apprendre .

Cela le sort de la grisaille de son adolescence et de ses études ; cela l’aide à surmonter sa timidité , à exprimer ses sentiments avec sincérité ,à découvrir ses limites aussi .

Cette expérience le motive pour aller plus loin : il suit plusieurs stages préparatoires en vue de participer à un stage national d’art dramatique qui aura lieu l’été prochain à Nérac , là où le Vert Galant a passé son enfance . Accepté pour ce stage, il arrive à Nérac en juillet. Le projet est passionnant : il retrouve Jean Lagénie, Le but est de produire un spectacle : monter de A jusqu’à Z une pièce de CARLO GOLDONI : L’Éventail . Il y tiendra un petit rôle , celui de Citronnet, le garçon de café …

Quelle aventure, quels apprentissages .

La vie est là : vie en groupe , repas en commun , dortoir , rencontres variées ; il s’amuse avec les exercices d’articulation :essayez donc de dire très vite sans bafouiller « Je veux -z- et - j’exige … ;

il apprend à contrôler sa respiration , son corps .

Il sympathise avec les uns , pas avec les autres : un participant , plus âgé s’amuse à lui demander : «seras-tu un lion ou un renard » ? Il découvre la vie , quoi …

Le temps passe , à la fin de l’été , la pièce se joue avec succès , dans le théâtre de verdure de La Garenne, à côté de la Baïse : une chance , il fait beau .

Il rentre chez lui dynamisé, , la tête pleine de souvenirs , avec quelques photos comme celle prise pendant le spectacle par un stagiaire .

L’année suivante , nostalgique , il ne peut s’empêcher d’aller voir dans la banlieue de Bordeaux à Saint- Médard- en- Jalles,le spectacle réalisé à l’issue d’un stage de même nature . Puis Henri part comme appelé faire son service militaire en Algérie .

J’apprends peu après , misère , qu’il a été tué au cours d’un contrôle dans un village du bled .………

On peut voir son nom, inscrit sur un monument près du parc Victor Thuillat à Limoges ……..

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Marc Alyn -Brûler le feu - 1958-1959

C’est un mort très neuf / que l’on cache en terre : / vingt ans à peine / et le cœur à nu.


Les cyprès ne lui parleront / qu’en notre absence ; / c’est une rancœur de silence / que l’on plante.


Que sortira-t-il / de tant, tant de graines / semées en ce monde / pour l’absurdité ?


C’est un mort novice / fraîchement promu / aux terreuses palmes /et qui n’ose encore se faire complice / de ce trop grand calme.


Quel monstre de chair /et d’herbes mêlées /un jour jaillira /de ces faux jardins ?


C’est un mort confiant / mort de sa confiance / qui reproche.

Commentaires 1

  • Jacques

    Une tranche de vie. Le bonheur et puis la cruauté de l'Histoire. Ton texte m'a ému.
    Jacques

    Jacques

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