À la mémoire de Henri
Il a vingt ans .
Enfant , il adorait quand sa famille l’emmenait au théâtre .Et voilà qu’il a l’occasion de participer, sur son lieu d’études , à la création d’un spectacle : une représentation de la pièce de Sophocle : Oedipe-roi , mis en scène par Jean Lagénie, Instructeur National d'Art dramatique.
Tout cela le captive : fabrication d’un décor , accessoires à imaginer , costumes à créer , répétitions , textes à apprendre .
Cela le sort de la grisaille de son adolescence et de ses études ; cela l’aide à surmonter sa timidité , à exprimer ses sentiments avec sincérité ,à découvrir ses limites aussi .
Cette expérience le motive pour aller plus loin : il suit plusieurs stages préparatoires en vue de participer à un stage national d’art dramatique qui aura lieu l’été prochain à Nérac , là où le Vert Galant a passé son enfance . Accepté pour ce stage, il arrive à Nérac en juillet. Le projet est passionnant : il retrouve Jean Lagénie, Le but est de produire un spectacle : monter de A jusqu’à Z une pièce de CARLO GOLDONI : L’Éventail . Il y tiendra un petit rôle , celui de Citronnet, le garçon de café …
Quelle aventure, quels apprentissages .
La vie est là : vie en groupe , repas en commun , dortoir , rencontres variées ; il s’amuse avec les exercices d’articulation :essayez donc de dire très vite sans bafouiller « Je veux -z- et - j’exige … ;
il apprend à contrôler sa respiration , son corps .
Il sympathise avec les uns , pas avec les autres : un participant , plus âgé s’amuse à lui demander : «seras-tu un lion ou un renard » ? Il découvre la vie , quoi …
Le temps passe , à la fin de l’été , la pièce se joue avec succès , dans le théâtre de verdure de La Garenne, à côté de la Baïse : une chance , il fait beau .
Il rentre chez lui dynamisé, , la tête pleine de souvenirs , avec quelques photos comme celle prise pendant le spectacle par un stagiaire .
L’année suivante , nostalgique , il ne peut s’empêcher d’aller voir dans la banlieue de Bordeaux à Saint- Médard- en- Jalles,le spectacle réalisé à l’issue d’un stage de même nature . Puis Henri part comme appelé faire son service militaire en Algérie .
J’apprends peu après , misère , qu’il a été tué au cours d’un contrôle dans un village du bled .………
On peut voir son nom, inscrit sur un monument près du parc Victor Thuillat à Limoges ……..
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Marc Alyn -Brûler le feu - 1958-1959
C’est un mort très neuf / que l’on cache en terre : / vingt ans à peine / et le cœur à nu.
Les cyprès ne lui parleront / qu’en notre absence ; / c’est une rancœur de silence / que l’on plante.
Que sortira-t-il / de tant, tant de graines / semées en ce monde / pour l’absurdité ?
C’est un mort novice / fraîchement promu / aux terreuses palmes /et qui n’ose encore se faire complice / de ce trop grand calme.
Quel monstre de chair /et d’herbes mêlées /un jour jaillira /de ces faux jardins ?
C’est un mort confiant / mort de sa confiance / qui reproche.
Commentaires 1
Une tranche de vie. Le bonheur et puis la cruauté de l'Histoire. Ton texte m'a ému.
Jacques