Extrait du livre de Laurent Terzieff-Presse de la Renaissance-2010:Seul avec tous, pages 200-201
Solitudes partagées
L'univers du poète est profondément solitaire. Dire des poèmes, c'est organiser une rencontre de solitudes. La transmission orale du poème peut être une passerelle entre la solitude du poète et chacun de nous.
Il faut essayer de faire en sorte que pendant le temps de la représentation, le poème devienne la propriété de tous, et que le poète ne soit pas seulement le roi de ses pensées, mais qu'il règne sur l'assemblée entière,
il faut que le comédien puisse faire partager comme un secret, le plaisir qu'il a éprouvé en découvrant le poème, c'est pourquoi je suis convaincu qu'on ne peut dire que des poèmes qui vous touchent intimement.
(Page 116)
Texte autographe ci-dessus :
Pour que le comédien soit véritablement un passeur, et non seulement un diseur ou un « bien disant », comme on le dit péjorativement, il faut qu'il ait envie de nous faire partager, comme on partage un secret:, le plaisir rare qu'il a éprouvé en découvrant le poème, même si cette découverte est ancienne. `
Cela suppose que le comédien ne peut dire que les poètes qui occupent une place privilégiée dans son esprit. Il faut qu'il sache nous transmettre son émerveillement, que sa voix et sa diction s'ouvrent sur un paysage de mots, d'où s'élève un chant, avec son rythme, ses couleurs, ses silences, que ce paysage soit le lieu du poème où l'auditeur pourra se promener en toute liberté, choisissant lui-même ses chemins, quitte à les tracer lui-même, quitte à aussi s'y perdre.
Laurent Terzieff.