Association Encrier - Poésies

Rencontres avec des textes d'auteurs Rencontre avec le papalagui : les propos de Touiavii, chef de la tribu de Tiavéa, dans les Mers du Sud

Le Papalagui.jpeg Touiaviiet son épouse.jpeg Écoutez Françoise Dufour

(Lecture du texte de la 4e de couverture)

Extrait : pages 125-126

le Papalagui pense tant que penser lui est devenu une habitude, une nécessité et même une obligation. Il faut qu'il pense sans s'arrêter. Il parvient difficilement à ne pas penser, en laissant vivre son corps. Il ne vit souvent qu'avec la tête, pendant que tous ses sens reposent dans un sommeil profond, bien qu'il marche, parle, mange et rie. Les pensées, qui sont les fruits du penser, le retiennent prisonnier. Il a une sorte d'ivresse de ses propres pensées. Quand le soleil brille, il pense aussitôt : «Comme il fait beau maintenant !». Et il ne s'arrête pas de penser :« Qu'il fait beau maintenant ! » C'est faux. Fondamentalement faux. Fou. Parce qu'il vaut mieux ne pas penser du tout quand le soleil brille.

Un Samoan intelligent étend ses membres sous la chaude lumière et ne pense à rien. Il ne prend pas seulement le soleil avec la tête, mais aussi avec les mains, les pieds, les cuisses, le ventre et tous les membres. Il laisse sa peau et ses membres penser pour lui. Et ils pensent certainement aussi, même si c'est d'une autre façon que la tête. Mais pour le Papalagui l'habitude de penser est souvent sur le chemin comme un gros bloc de lave dont il ne peut se débarrasser. Il pense à des choses gaies, mais n'en rit pas, à des choses tristes, mais n'en pleure pas. Il a faim, mais ne prend pas de taro ni de palousami. C'est un homme dont les sens vivent en conflit avec l'esprit, un homme divisé en deux parties.

Note : Le palousami est un des mets favoris des Samoans ,composé de crème à la noix de coco , enveloppé dans une feuille de taro (plante cultivée pour ses tubercules)

pp. 125-126

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