Écoutez Tcheky Kario
Écoutez Denis Lavant & Zeno Bianu
CREDO
je crois
à la vie à la mort
à la grande amour donnée
ou traversée
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je crois
à la vraie gravité
à la tendresse impitoyable
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je crois
au cœur de la nuit
au cœur de la pluie
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je crois qu’il faut mourir
puis vivre
mourir avant de mourir
pour ne plus aimer mourir
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je crois à l’entrée en résonance
à l’entrée
en évidence
à la toute transparence
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je crois ne rien pouvoir haïr
de ce que j’ai fait
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je crois au regard renversé
je crois
que chacun peut sortir vivant d’ici
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je crois au rassemblé
à l’ouvert
au levé
au tremblé
au centième de soupir
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je crois que tout mot juste
vient de l’intérieur du ciel
et que ce ciel
vrille au plus profond de nous
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je crois à la ferveur fluide
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je crois
qu’il faut anéantir
pour magnifier
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(je crois à Artaud
lorsqu’il faisait l’exposition Van Gogh
au pas de course
pour mieux la regarder
pour mieux la restituer)
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(je crois à Albert Ayler
lorsqu’il joue à l’enterrement de Coltrane
dans une incandescence
réfractée
réfractaire
à l’horizon du déluge-
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je crois
comme le Conrad du Cœur des ténèbres
qu’il faut avancer
dans sa propre obscurité
pour y voir clair
que le frémissement
ne peut jamais surgir
là où sont la honte
la haine
la peur
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je crois à l’opacité solitaire
au pur instant de la nuit noire
pour rencontrer sa vraie blessure
pour écouter sa vraie morsure
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je crois à ces chemins
où le corps avance dans l’esprit
où l’on surprend
le bruit de fond des univers
par ces yeux
que la nuit
a pleurés en nous
par ces yeux que la vie
a lavés en nous
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(je crois comme Trakl
qu’on peut boire le silence de Dieu)
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je crois
qu’il faut habiter la lumière
par un long questionnement
sans réponse
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(je crois à Zoran Music
dessinant ses fagots de cadavres
sur de mauvais papiers
trouvant encore la vie
au fond du désarticulé
au fond de l’incarné
au fond de l’éprouvé
exorciste
vertical)
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je crois aux cassures de fièvre
aux sursauts de nuit
aux césures de nerf
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je crois
qu’il faut prendre appui
sur le vent
s’agenouiller en mer
et se vouer
à l’infini
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je crois
qu’il faut penser
comme chute une météorite
comme pleure une étoile-mère
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je crois
qu’il faut saisir
l’intime conscience de son désastre
pour commencer
à vraiment sourire
pour s’aventurer
au plus bleu du bleu
Zéno Bianu, Infiniment proche suivi de Le désespoir n’existe pas, Préface d’Alain Borer, Poésie/Gallimard, Édition numérique, 2016.pp. 1 à 4.