Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Rainer Maria Rilke Rencontre avec Rainer-Maria Rilke : Tombe à Rarogne

"Sur la pierre tombale de la sépulture qu’il s’est choisie, telle une paternité reconquise, adossée à l’église dans l’enclos fortifié de la cité haute de Rarogne balayée par des vents austères, fidèle aux lieux de limites, « lisière » qui sépare ici le Valais alémanique de sa partie francophone, résonnent désormais les vers énigmatiques, gravés selon sa volonté :"

(Texte figurant sur le site ' BLOG-NOTES de Patrick Crispini")

« Ô rose, pure contradiction

Volupté

de n’être le sommeil

de personne

sous tant de paupières

Épitaphe composé par Rilke pour son tombeau (Dernières poésies, 1926)

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Paroles de Laurent Terzieff (extraites d'un entretien de 2008 avec Odile Quirot)

« Rose, rose, ô pure contradiction, volupté de n'être le sommeil de personne sous tant de paupières.»

Oui, on met longtemps à la commenter. Contradiction, contrat ou pur contrat - on peut traduire différemment. « Contradiction de n'être le sommeil de personne sous tant de paupières.» Il faut se la répéter plusieurs fois, mais on comprend très bien ce que cela veut dire. Ça veut dire que c'est le sommeil de tout le monde, et en même temps ce n'est le sommeil de personne.

C'est un secret qui ne se livre pas, ou qui se livre individuellement, à chacun en particulier, et qui en même temps est voluptueux. C'est cette volupté aussi d'avoir son secret, d'être soi-même le secret, un secret unique, qui n'appartient à personne - un secret qui ne se livre pas par définition.

Moi je crois que c'est ça : tout poète est en quête de quelque chose d'inconnu, d'innommé plutôt, dont l'intelligibilité sera toujours précaire. Je crois que le principe d'incertitude s'applique aussi, et surtout, à la poésie. Mais, justement, pour traquer l'inconnu, le poète se doit de ruser avec lui. C'est pour ça qu'il a recours, évidemment, à l'analogie, la métaphore, surtout la métaphore, dont Barthes disait que c'est à distinguer l'écrivant de l'écrivain. L'alchimie du verbe, de Rimbaud, c'est peut-être aussi de détourner les mots de leur sens courant : il faut faire dire aux mots autre chose que ce qu'ils disent d'habitude.

C'est là que je rejoins l'idée le poète considère les mots non pas comme des signes, mais comme des, comme des choses, comme une matière, une matière vivante, autonome, qui a sa vie propre.

( https://pc-blognote.blogspot.com/2014/02/rilke-entre-le-jour-et-le-reve.html )