(Texte de Gilbert Sigaux)
Écoutez Serge Reggiani
Le petit testament
I
L'AN quatre cent cinquante six,
Je, François Villon, écolier,
Considerant, de sens rassis,
Le frein aux dents, franc au collier,
Qu'on doit ses œuvres conseiller
Comme Vegece le raconte,
Sage romain, grand conseiller,
Ou autrement on se mécompte. . .
II
En ce temps que j'ai dit devant,
Sur le Noel, morte saison,
Que les loups se vivent de vent
Et qu'on se tient en sa maison,
Pour le frimas, près du tison,
Me vint un vouloir de briser
La tres amoureuse prison
Qui souloit mon cœur debriser.
III
Je le fis en telle façon,
Voyant celle devant mes yeux
Consentant a ma défaçon,
Sans ce que ja lui en fût mieux;
Dont je me deuil et plains aux cieux,
En requerant d'elle vengeance
A tous les dieux venerieux,
Et du grief d'amour allegeance.
IV
Et se j'ai prins en ma faveur.
Ces doux regards et beaux semblants
De tres decevante saveur,
Me tréperçants jusqu'aux flancs,
Bien ils ont vers moi les pieds blancs
Et me faillent au grand besoin.
Planter me faut autres complants
Et frapper en un autre coin.