Association Encrier - Poésies

Rencontre avec Villon Rencontre avec Villon : Le petit testament (début)

Écoutez Reggiani

Le petit testament

I

L'AN quatre cent cinquante six,

Je, François Villon, écolier,

Considerant, de sens rassis,

Le frein aux dents, franc au collier,

Qu'on doit ses œuvres conseiller

Comme Vegece le raconte,

Sage romain, grand conseiller,

Ou autrement on se mécompte. . .

II

En ce temps que j'ai dit devant,

Sur le Noel, morte saison,

Que les loups se vivent de vent

Et qu'on se tient en sa maison,

Pour le frimas, près du tison,

Me vint un vouloir de briser

La tres amoureuse prison

Qui souloit mon cœur debriser.

III

Je le fis en telle façon,

Voyant celle devant mes yeux

Consentant a ma défaçon,

Sans ce que ja lui en fût mieux;

Dont je me deuil et plains aux cieux,

En requerant d'elle vengeance

A tous les dieux venerieux,

Et du grief d'amour allegeance.

IV

Et se j'ai prins en ma faveur.

Ces doux regards et beaux semblants

De tres decevante saveur,

Me tréperçants jusqu'aux flancs,

Bien ils ont vers moi les pieds blancs

Et me faillent au grand besoin.

Planter me faut autres complants

Et frapper en un autre coin.