Textes d’atelier de Renaud (bruts)
1
Dans les airs, les insectes volants s'adonnaient à des bals aériens, souvent perturbés par des oiseaux, trouble-fête venus prendre, sans jamais rendre, des partenaires de danse en pleine cérémonie des amours.
C’est fou la vie qui virevoltait autour de nous.
Je m’émerveillais de toutes ces chorégraphies aériennes, tandis que les autres affichaient des visages d’outre-tombe. Personne ne savait ce que nous faisions ici, en ligne, au sein de ce champ de bleuets. Personne ne savait pourquoi nous étions défendu de bouger, et encore plus de franchir cette ligne rouge grotesquement peinte à même les végétaux. Notre silence gardait le secret de notre futur. Le murmure des abeilles nourrissait nos espoirs.
2
La tête par la fenêtre, le regard en délire sur l’asphalte qui défile. L’air à toute vitesse camoufle la radio, le moteur, les pensées.
Une main douce tire ma chemise, la chaleur de l’automobile recouvre mon visage et elle m’entoure de ses bras avant de glisser dans mon oreille un calme « ça va? ».
Le temps s’arrête, mes yeux se ferment et quand je me réveille la voiture est à l’arrêt, toutes portières ouvertes.
De hautes herbes curieuses dépassent à l’intérieur. La brise explore l’habitacle. Le chant des oiseaux circule.
Je rampe nonchalamment sur la banquette arrière pour voir le ciel. Je m’y plonge, je m’y perds dans ce bleu infini, je joue et je surfe parmi les nuages. Un visage maternel à l’envers apparait et me demande encore « ça va? ».
3
Les humains défilent dans le cadre lumineux de mon téléphone. De mon autre main, je joue avec la surface collante du comptoir. Un coup sec tire mon bras gauche et m’extirpe du flux d’images.
Face à moi se tiennent des cheveux blancs, gras et raides, sous une casquette de marin. Ils tombent dans des yeux sévères et d’un bleu auquel on ne peut mentir. Le regard m’observe avec dureté. De sa barbe sort des mots mâchés. Mes oreilles s’accommodent, je comprends que le vieux loup de mer me sermonne et réprimande toute ma génération. Il me raconte tout ce que, lui, faisait à mon âge, quand il voguait vers l’île aux moutons avec ses amourettes, quand il marchait sur le chemin des douaniers pour sortir de la routine. Il me livre sa vie, et ça pèse lourd. Au début il me reprochait de ne pas vivre ses péripéties, mais maintenant ses yeux rougissent de nostalgie. Il se tait. Le silence marque une pause mélancolique. Je cherche des mots clefs, je pense aux dolmens et je lui demande si c’est l'œuvre des humains. Il éclate de rire comme un biniou troué. Il pose une main lourde sur mon épaule avant de me confier qu’ici, en Bretagne, les rochers savent marcher.
4
Tu as disparu durant une longue semaine. Au sein d’un berceau fantastique montagneux, mes yeux t’ont cherché dans le ciel jusqu’à s’y perdre. Je me suis assis sur la roche volcanique, j’ai enfui ma montre dans le sable noir et je t’ai attendu.
Quand la nuit arrivait, je voyais ton reflet sur l’océan mais nul rayon de toi au-dessus de moi. Bercé par le violon des vagues, ma tête a tourné à force de se plonger dans ce fantasme d’écume, mouvant. Entre falaises menaçantes et palmiers oisifs, j’ai parlé de ton parfum à Orion,
Cassiopée, une grande ourse et un lion. Personne n'avait trace de toi. Seulement mes souvenirs, mon instinct, ma boussole interne te sentaient, te désiraient, espéraient. Une voix m’a dit : « Si tu vois la vie en gris, alors pousse l’éléphant. ». Je me suis levé, j’ai entouré la Terre de mes deux bras. Nous avons valsé et derrière elle, je t’ai retrouvé, je t’ai redécouvert.
5
partie sans retouche :
D’où vient ton énergie ? Y-a-t-il en ton cœur une supernova ? Viens-tu des astres alors que notre maison, la Terre, nous fait naître dans des roses ou des choux. Par où la vie t’a-t-elle fait cheminer? Te déplaces-tu en caresse, en voiture, en souliers d’Hermès? Où te poses-tu pour regarder la pluie ruisseler sur la fenêtre?
De tes yeux, la lumière des cieux se reflète. À croire que tu ne vis pas de choses simples, des problèmes ordinaires. T’arrives-t-il de laver tes caleçons? Tu gambades entre tes phrases. Tu balances entre les gens. Tu ricoches sur les jours. Le temps suit ta course enfantine vers le prochain instant. Quelles sont tes peurs? Il y a-t-il un loup dans ta forêt, ou bien même tes cauchemars sont en caoutchouc? Ton sourire m’inspire et me donne envie de reprendre la route.
partie avec quelques retouches :
Il entamait un cinquième tour de son appartement. Le chat se cachait et les murs tremblaient à la vue de son agitation. Il s’assit dans la cuisine, respira. Les yeux fermés il se répétait en boucle « Calme-toi - Juste le moment présent - Pleine conscience - Pleine présence ». Ses pieds semblaient lourds, dans le tourbillon de ses pensées il avait oublié d’enlever ses chaussures. Il s'aperçut qu’une myriade de pas boueux dessinait au sol les cent pas de son dernier quart d’heure perturbé. Ses yeux s’ouvrent aussi grands que sa bouche. Il courut précipitamment jusqu’à sa chambre. Il bondit en l’air et tendit les bras et jambes tel un écureuil volant, avant de plonger dans le moelleux de sa couette. En apnée dans le nuage textile, il entama un cross nerveux en direction des oreillers. D’une poigne crispée, il agrippa le premier venu, il dégagea son visage avec une inhalation grotesque avant de pourfendre l’oreiller, qu’il traîne depuis sa tendre enfance, avec un cri qui traversa tous les étages.
Quelques secondes passèrent. Les tourterelles recommencèrent à chanter. Il gisait toujours là.
Quelques minutes s’écoulèrent. Son chat s’approcha à tâtons. Il fit le tour du lit, renifla délicatement un peu tout et d’un bond montait sur le lit. Ses coussinets avançaient comme sur des échasses dans cette couette pleine de plumes. Il grimpa sur le dos de l’humain. Quelques petits pas en rond, un regard en l’air pour vérifier la présence ou non de mouche. Il s’assit, ferma les yeux et ronronna avant de commencer une calme toilette.
6
Aux souvenirs, tendres souvenirs.
Aux détails que mon regard recopie dans le ciel.
Ton visage s’efface mais ton sourire reste.
Aux nuages, troupeaux de laines qui se mêlent, se nouent et ressemblent à ta chevelure au vent.
Je rêvasse que des plumes poussent à mes bras et que je m’envole plus près de toi.
Le ciel est beau, le ciel est bleu, vu d’ici, les pieds sur terre.
Mais où es-tu, je t’ai perdu, vu du ciel.
L’herbe pousse autour de moi, tant je reste allongé, en suspension dans l’azur de mes pensées.
Des amis me rejoignent et tu t’éloignes.
Nous discutons, nous échangeons, avec ces cœurs que je connaissais avant nous.
Nous partageons, nous jouons des partitions d’émotions qui me rapprochent de qui je suis.
Plus je souris, moins je te vois. Plus je ris, moins je t’entends.
Entre certains mots, des fragments de ta peau me caressent encore l’esprit. Mais quand on me demande où est-ce que je me vois vivre dans cinq ans, je ne réponds plus dans le creux de ton cou.
Commentaires 1
Renaud,
De même que les parents donnent un prénom à leur enfant pour qu'il ait une identité singulière, j'aurais aimé trouver des titres à tes beaux écrits-enfants .