LE DUVET
Nous sommes sur ce que j’appelle : ma nacelle.
En fait, le balcon de notre maison qui surplombe le jardin dans lequel fleurissent toutes les fleurs que j’ai plantées au grè de ma fantaisie, et le parc un peu plus loin.
C est un soir d’été. Il fait doux.Le parc est silencieux. Le hérisson, les écureuils les oiseaux dorment.
Notre fils est appuyé à la rambarde du balcon.
Silencieux, sombre.Il fume nerveusement.
Je m’approche doucement. Je sais qu’il ne faut surtout pas lui demander quoi que ce soit. Mais…
Doucement , en plaisantant, sur un ton faussement plaisantin, je demande : c’est quand que tu commences , tu décides , tu veux bien commencer à t'arrêter de fumer.
Un jet rageur de fumée me répond.
Et vlan.
Si tu n’as pas compris, tant pis pour toi.
Pourtant je continue : et du coté des amours cela va comment ?.
Réponse : si on te le demande , tu diras que tu n’en sauras rien.
Re vlan.
J’en ai assez de ces silences, de ces escales furtives. Pendant lesquelles il prend un peu de chaleur familiale, un peu d’affection et pourquoi pas, un bon repas. Mais pendant lesquelles il ne livre rien de sa vie.
Pourquoi ?. Parce-qu’il a peur que je cancane.
Que je dise aux copines ce qu’il fait , qui il fréquente ?. Allons !.
Je souffre de ces silences.
Je me détache un peu de la rambarde pour dénouer mon corps des tensions qui le serrent.
Soudain, venant des profondeurs de la maison, et propulsé par un petit vent tiède, un tout petit, un minuscule, un insignifiant petit bout de plume blanche se met à tournoyer au dessus de nos tètes et paf : se plante sur un des cheveux coiffés en brosse de la tété de mon fils.
Devant l'incongruité et ce petit incident , j’éclate d’un rire d’autant plus salvateur , qu’il fait voler en mille éclats de cristal, la chape de plomb qui, régnait entre nous.
Mon fils se retourne, puissant , presque menaçant et me dis d’un ton furieux et méchant :
-- « Maman » , pourquoi tu ris ainsi. Qu’est ce qui te prend. Et qu’est ce qui peut bien te faire rire.
-- Je pointe mon doigt en direction de sa tête.
--Tu as... (je continue de rire)…. Tu as…
-- Mais enfin. Tu deviens folle ou quoi. Qu’est c e que j’ai ?.
Maîtrisant mon fou rire, je dis:
-- Tu as un petit bout de plume sur ta tête.
-- J’ai quoi ?.
-- Un petit bout de plume planté sur ta tête.
Rageusement, il se frotte la téte. Le petit bout de plume se détache et s’en va.
-- Et c’est pour ça que tu ris.
-- Oui, c’est pour ça que je ris.
Et je pense: si tu pouvais, rire toi aussi.
Je le regarde intensément. Ses traits doucement s’adoucissent, le masque tombe, et tu ris.
Tu ris et nous rions.
Nous rions par dessus le parc dont nous avons réveillé la chouette qui se met à hululer.
Nous rions à faire mourir de jalousie tous les méchants, les jaloux de la terre.
Nous rions pour extraire de nos cœurs toutes les bassesses, les méchancetés, les rancœurs, . Tout ce dont nous souffrons et dont il faut s’accommoder.
Nous rions. Mère et fils pour un instant réconciliés dans leur affection et leur tendresse.
OUI nous rions.
Et c’est si bon.
Commentaires 2
où est-il maintenant le petit garçon de douze ans ? si tendre, si soyeux, si fils de...
Bravo et merci Évelyne pour cette histoire de toute petite plume qui illustre dans toute sa vérité la relation souvent compliquée entre une mère et son fils.
Heureusement c'est l'amour qui gagne dans le texte, ça fait du bien!