Extraits du chapitre :Adieu au poète du livre Transsibérien de Dominique Fernandez
Photographie de Ferrante Ferranti
Le poète Mandelstam, « orphelin de son temps » comme le disait Brodsky, était apparemment rentré en Russie à l’heure juste: celle de la chute de l’Union soviétique .
Rentré? Vraiment? Un monument à Mandelstam, créé par Valeri Nenajivine et érigé à Vladivostok, fut détruit en 1999 par des vandales, probablement 20 ou 22 avril. Lejour anniversaire de Lénine ou celui de Hitler?
À la suite de quoi la police tint des propos lénifiants: un pur hasard, aucun arrière-plan politique. Un fonctionnaire exprima pourtant à mots découverts ce que les autorités ne voulaient pas reconnaître: « Pas un pied terre russe pour un diffamateur »
Certes, on peut se demander si Mandelstam a vraiment besoin d’un monument. Il parle à travers ses poèmes, de son « tombeau d’air ». L’incident témoignait toutefois de la difficile progression de la conscience historique russe. Andreï Birov, président du Pen-club russe, protesta, avec d’autres écrivains, en adressant une lettre ouverte au gouverneur de la région et au maire de Vladivostok. Mais une réplique en métal du monument fut à son tour maculée et endommagée.
(extraits des pages 548, 549 de la biographie de Ossip Mandelstam: Mandelstam, mon temps, mon fauve une biographie, par Ralph Dutli, biographie éditée en 2012 aux éditions Le bruit du temps/La Dogana, (publié en allemand en 2003)