Une heure de jour en moins
Note de l’auteur : Presque toute ma vie j’ai remarqué que certaines de mes pensées étaient ataviques, primitives, totémiques. C’est parfois perturbant pour un homme plutôt cultivé. Dans cette suite j’ai voulu examiner le phénomène.
---
La lune est soupçonnée.
à quoi sert-elle ?
elle suinte sa fumée blanche de lumière
Pour ce pauvre petit ours à trois pattes
j’ai laissé deux gros poissons
sur une souche. Il les a mangés la nuit
et à l’aube il dormait comme un dieu
appuyé contre la souche
parmi le chœur des oiseaux.
Dans le Yucatan, jusqu’au deuxième jour la jungle
ressembla au cinéma, avant de devenir elle-même.
Rentrant chez moi, j’ai ramené dans la neige
les oiseaux et les serpents de la jungle.
Chacun porte en soi tous les lieux où il est allé.
La plus authentique nuit du chasseur
c’est quand telle sa proie
il ne se réveille jamais.
Au réveil d’une sieste j’ai su en un instant
que j’étais en vie. C’était stupéfiant,
presque effrayant. Émotions et sensations
me submergeaient. Cela ne m’était jamais arrivé.
Sur une chaise bleue dans un pré j’ai réappris
le monde.
Jim Harrison, Une heure de jour en moins. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent, Flammarion, 2012, pp. 209/210/211.
:::::::::::::::::::::