AVEU
J’écris rien que pour retrouver
en quel lieu j’eus la révélation
parce que j’ai oublié ce lieu
ainsi que toute révélation.
Alors selon l’usage
Je célèbre l’inconnu
pour tant bien que mal
assurer mon existence.
C’est l’utilité des fantômes
que de figurer ce qui
n’a jamais eu de figure
et se doit de naître au jour.
Rien n'existe que révélé
dans le vide le plus parfait
de nos heures déficientes.
Pour le moment notre solitude
est une preuve indiscutable
du nécessaire avenir
de nos images dénudées.
André Dhôtel-Poèmes comme ça p.28
« Je pense que Dhôtel a toujours parlé de l’avenir: il n’a parlé que de ce qui s’entête à pousser sur les ruines. Il a su nommer les ronces, l’éclat d’une boîte de conserve ou d’un coquelicot, qui sont ce qui nous reste quand tout est défait parce qu’ils ont une lumière invincible. Dhôtel est encore un peu en avance, car on en est presque arrivé aux ruines. La bienfaisance de ses livres va grandir parce qu’on aura besoin alors de l’éclat consolateur de ces toutes petites choses. Un jour il n’y aura plus que des ruines sur terre, c’est-à-dire ce qu’il y a dans les poèmes de Dhôtel… »
.Christian Bobin in La lumière du monde