Voronej poème de de Anna Akhmatova
à Ossip Mandelstam
La ville est comme prise sous la glace ;
Tout est sous verre : arbres, neiges et murs.
J’avance et crains que les cristaux se cassent,
La course du traîneau n’a rien de sûr !
À Voronej, les freux rôdent sur Pierre… 5
Ces peupliers, ce ciel — une poussière
Ensoleillée, vert pâle, trouble encor,
Et c’est la même et triomphante terre
Qui engloutit jadis la Horde d’Or.
Ces peupliers, comme des coupes vives 10
Levées soudain, sonneront d’une voix
Pour célébrer, par mille et un convives
À un banquet de noces, notre joie.
Mais dans la chambre étroite du poète, 15
Veille la peur, et la Muse la suit.
Et vient la nuit,
Que désormais nulle aurore n’arrête.
1936.
(Traduction de André Markowicz)
(Le vers 5 traduit littéralement dit : « Et sur le Pierre de Voronej — il y a des corneilles » . jeu de mot entre Voronej et vorona (corneille en russe). Markowicz utilise « freux » à la place de corneille / Pierre : allusion à Pierre le grand.
Les vers 8 et 9 , en russe, évoquent bataille de Koulikovo (1380) sur les bords du Don. Markowicz choisit de ne pas traduire littéralement et parle de Horde d’or.)
Voir sur le site remue.net des notes plus détaillées par A. Markowicz lui-même dans l'article : https://remue.net/Andre-Markowicz-Chercher-sans-langue