A mon père
Tu voulais être aimé, jamais tu ne le fus.
Tu voulais être accepté, nul ne t’accepta.
Tu voulais être admiré, nul ne t’admira.
Toi qui n’avais pas de calmant spirituel
pour accepter la mort
tu l’affrontas sans aucun espoir
sans la bénédiction d’un prêtre
sans un fils qui t’accompagne dans ton ultime combat.
Solitaire comme un héros orgueilleux
Tu t’es dissous dans le néant.
En ne me donnant rien tu m’as tout donné.
En ne m’aimant pas tu m’as révélé
l’absolue présence de l’amour.
Niant Dieu tu m’as enseigné à valoriser la vie.
Grâce à ta cruauté j’ai pu apprendre la compassion.
Je te pardonne mon père.
Tu m’as donné la force de supporter un monde
qui a perdu la poésie il y a déjà bien longtemps.
Scène finale du film Poesia sin fin de A.Jodorowsky
– Tu n’as pas été capable de m’embrasser,
ni de me prendre dans tes bras,
ni de me parler avec douceur.
– Les hommes ne se touchent pas
ni ne se disent des mots tendres.
– Tu m’as laissé pleurer pendant des heures.
– Pleurnichard, je ne console jamais personne !
– La sirène du bateau m’appelle,
torrent de routes m’offrant leurs caresses.
– Tu vas mourir de faim à Paris,
allongé dans la rue.
– Et toi tu mourras entre tes culottes, soutien-gorges,
tes bas, jupons et gilets de laine
tachés du sang des ouvriers.
– Insolent, je vais te péter la gueule !
– Je ne suis plus un enfant. Je te rends tes gifles !
– Sacrilège, tu as perdu ton père !
– Je ne perds pas un père, parce que je n’en ai jamais eu, tu perds un fils.
Jamais plus nous ne nous reverrons.
Étranger au sein d’une antique graine je traverse le temps telle une comète invisible.