Association Encrier - Poésies

Rencontre avec divers poètes Rencontre avec Alejandro Jodorowsky : A mon père (film Poesia sin fin)

A mon père

Tu voulais être aimé, jamais tu ne le fus.

Tu voulais être accepté, nul ne t’accepta.

Tu voulais être admiré, nul ne t’admira.

Toi qui n’avais pas de calmant spirituel

pour accepter la mort

tu l’affrontas sans aucun espoir

sans la bénédiction d’un prêtre

sans un fils qui t’accompagne dans ton ultime combat.

Solitaire comme un héros orgueilleux

Tu t’es dissous dans le néant.

En ne me donnant rien tu m’as tout donné.

En ne m’aimant pas tu m’as révélé

l’absolue présence de l’amour.

Niant Dieu tu m’as enseigné à valoriser la vie.

Grâce à ta cruauté j’ai pu apprendre la compassion.

Je te pardonne mon père.

Tu m’as donné la force de supporter un monde

qui a perdu la poésie il y a déjà bien longtemps.

Scène finale du film Poesia sin fin de A.Jodorowsky

–  Tu n’as pas été capable de m’embrasser,


ni de me prendre dans tes bras,


ni de me parler avec douceur.


–  Les hommes ne se touchent pas


ni ne se disent des mots tendres.


– Tu m’as laissé pleurer pendant des heures.


–  Pleurnichard, je ne console jamais personne !


–  La sirène du bateau m’appelle,


torrent de routes m’offrant leurs caresses.


–  Tu vas mourir de faim à Paris,


allongé dans la rue.


–  Et toi tu mourras entre tes culottes, soutien-gorges,


tes bas, jupons et gilets de laine


tachés du sang des ouvriers.


–  Insolent, je vais te péter la gueule !


–  Je ne suis plus un enfant. Je te rends tes gifles !


–  Sacrilège, tu as perdu ton père !


– Je ne perds pas un père, parce que je n’en ai jamais eu, 
tu perds un fils.

Jamais plus nous ne nous reverrons.

Étranger au sein d’une antique graine 
je traverse le temps telle une comète invisible.