Association Encrier - Poésies

Rencontre avec divers poètes Rencontre avec César Vallejo : Piedra negra sobre piedra blanca - Pierre noire sur pierre blanche

Écoutez Facundo Cabral

PIEDRA NEGRA SOBRE PIEDRA BLANCA

Me moriré en París con aguacero,

un día del cual tengo ya el recuerdo.

Me moriré en París -y no me corro-

tal vez un jueves, como es hoy, de otoño.


Jueves será, porque hoy, jueves, que proso

estos versos, los húmeros me he puesto

a la mala y, jamás como hoy, me he vuelto,

con todo mi camino, a verme solo.


César Vallejo ha muerto, le pegaban

todos sin que él les haga nada;

le daban duro con un palo y duro


también con una soga; son testigos

los días jueves y los huesos húmeros,

la soledad, la lluvia, los caminos…

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Je mourrai à Paris par un jour de pluie,

un jour dont déjà j’ai le souvenir.

Je mourrai à Paris ‒ et c’est bien ainsi ‒

peut-être un jeudi d’automne tel celui-ci.


Ce sera un jeudi, car aujourd’hui jeudi

que je propose ces vers, mes os me font souffrir

et de tout mon chemin, jamais comme aujourd’hui,

Je n’avais su à quel point je suis seul.


César Vallejo est mort, tous l’on frappé,

tous sans qu’il leur ait rien fait ;

frappé à coups de trique et frappé aussi


à coups de corde ; en sont témoins ici

les jeudis et les os humérus,

la solitude, les chemins et la pluie…

César Vallejo, Poèmes humains, Préface de Jorge Semprun, Traduction de l’espagnol, notes et postface de François Maspero, Éditions Points, Bilingue, 2014, pp.86/87

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" Je mourrai à Paris, un jour d'averse,un jour dont j'ai déjà le souvenir.Je mourrai à Paris - et cependant je reste -peut-être un jeudi, d'automne, comme aujourd'hui. " (traduction de Georgette Vallejo)

« CESAR VALLEJO, poète péruvien, est mort à Paris un jour d'avril 1938, quelques mois après, avoir écrit ces vers semi-prophétiques, dictés par la misère, le désespoir et l'angoisse qui donnent à cette poésie sa tonalité dominante. Angoisse devant la destinée de l'homme, né pour mourir ; devant le temps, qui dévore toute chose ; devant l'injuste dénuement des victimes de la faim et de la misère ; devant la difficulté de trouver un langage suffisamment dépouillé pour faire de chaque vers un constat déchirant, une plainte désabusée, ou l'affirmation de l'espoir que l'homme ne doit malgré tout jamais perdre. (extrait d’un article de Claude Fell, paru dans le journal Le Monde le 31 janvier 1968 )