Orphée innombrable
Parle . Ouvre cet espace sans violence . Elargis
le cercle , la mouvance qui t’entoure de floraisons .
Etablis la distance entre les visages , fais danser
les distances du monde , entre les maisons ,
les regards , les étoiles . Propage l’harmonie ,
arrange les rapports , distribue le silence
qui proportionne la pensée au désir , le rêve
à la vision . Parle au-dedans vers le dehors ,
au-dehors vers l’intime . Possède l’immensité
du royaume que tu te donnes . Habite l’invisible
où tu circules à l’aise . Où tous enfin te voient .
Dilate les limites de l’instant , la tessiture
de la voix qui monte et descend l’échelle
du sens , puisant son soufffle au bord de l’inouï .
Lance , efface , emporte , allège , assure , adore . Vis .
Jean Mambrino
Extrait de la troisième partie du recueil la saison du monde chez José Corti
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Dans un entretien avec Patrick Kechichian dans Le Monde d’aujourd’hui du 1er-2 juin 1986 , Jean Mambrino donne la définition suivante de la poésie:
"C’est un langage silencieux qui efface ses propres traces pour qu’on entende ce que les mots ne disent pas ; Elle ne change pas la vie mais tient tête au malheur en affirmant notre dignité .Elle reçoit autant qu’elle donne . Elle permet un embrassement secret dans la nuit . "