C’est dans le souvenir …
C’est dans le souvenir qu’hiberne une autre vie .
Dans la maison de mon Père , fermée déjà ou détruite ,
La première femme que j’aimais - fut une citerne .
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Notre eau très humble était parcimonieuse et pure .
Quelle silencieuse mère pluviale ,
Tout au fond de la rigole somnolente ,
Lui conférait cette surface gelée ,
Pleine de rêve et de vie !
Alors elle remontait dans le seau , vers la face ,
Ronde et saisie ,
Endurante entre toutes .
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Nous vivons sous le signe de la nostalgie ,
Aussi ces choses me grisent-elles encore :
Le soir , la corde , un bras de jeune fille ,
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Ma voix de garçon dans la citerne ,
Impérieuse et claire
Comme la fille et la chanson .
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Je suis celui qui corps et âme imprègne ces choses agiles ,
Hantant les solitudes comme la lune et le simoun .
Et on peut voir encore , là-bas ,
Mon image flotter sur l’eau ancienne .
Vitorino Nemésio
Traduction de Magali et Max de Carvalho (Anthologie de la poésie portugaise contemporaine1935-2000 ; p. 22-Gallimard )