Les quatre temps cardinaux
La poule noire de la nuit
vient encore de pondre une aurore.
Salut le blanc, salut le jaune,
Salut, germe qu’on ne voit pas.
Seigneur Midi, roi d’un instant
au haut du jour frappe le gong.
Salut à l’oeil, salut aux dents,
Salut au masque dévorant, toujours !
Sur les coussins de l’horizon,
Le fruit rouge du souvenir.
Salut, soleil qui sait mourir,
Salut, brûleur de nos souillures.
Mais en silence je salue la grande Minuit,
Celle qui veille quand les trois s’agitent.
Fermant les yeux je la vois sans rien voir par-delà les ténèbres,
Fermant l’oreille j’entends son pas qui ne s’éloigne pas.
René Daumal ~ Poésie noire, poésie blanche 1952 – Gallimard