Rebelles
Comme les fous ils ont mordu la terre à pleines dents,
Saisi l'herbe noire et coupante à poignées,
Jeté leur front contre le front des monuments
Qui méditent chez nous la mort et la justice.
Comme à des fous nous leur avons lié les mains et les
chevilles,
Brûlé la langue et brisé les os sur les escaliers de justice,
Puis nous avons tassé la terre odorante et molle sur leurs
fronts sanglants.
Ils sont paisibles maintenant ; les plus menacés d'entre
nous,
La nuit, parmi la foule des vieux morts les voient passer,
Tenant une sébile vide ou une crécelle, et leur bouche
édentée
S'ouvrant pour un sourire où bascule notre sommeil.
Jacques Reda