TRAVERSÉE DE L’IRLANDE
Après tout j’aime assez ce ciel qui marmonne ou qui rage
Sur des arbres penchés avec entêtement vers l’est.
De temps en temps sa cargaison noire lâche le lest
D’une averse qui fait fumer le fond du paysage.
Le sol est noir aussi de tourbières que l’on partage
En gros tas bien compacts comme les strophes des sonnets.
Mais un autre poème éclate avec l’or des genêts
À travers la lande où le vent fait courir un pelage
Exactement de la couleur qu’on appelle chamois.
Pas de ferme, peu de hameaux, presque pas une église.
L’éloignement, sur l’horizon que rien ne civilise,
Renouvelle de haie en haie un mirage de bois.
Des deux côtés du train tout n’est qu’inertie et silence,
Sauf, au bord du talus, deux agneaux étonnés qui dansent.