Rubaiyat
Torne en mi voz la métrica del persa
a recordar que el tiempo es la diversa
trama de sueños ávidos que somos
y que el secreto Soñador dispersa.
Torne a afirmar que el fuego es la ceniza,
la carne el polvo, el río la huidiza
imagen de tu vida y de mi vida
que lentamente se nos va de prisa.
Torne a afirmar que el arduo monumento
que erige la soberbia es como el viento
que pasa, y que a la luz inconcebible
de Quien perdura, un siglo es un momento
Torne a advertir que el ruiseñor de oro
canta una sola vez en el sonoro
ápice de la noche y que los astros
avaros no prodigan su tesoro.
Torne la luna al verso que tu mano
escribe como torna en el temprano
azul a tu jardín. La misma luna
de ese jardín te ha de buscar en vano.
Sean bajo la luna de las tiernas
tardes tu humilde ejemplo las cisternas,
en cuyo espejo de agua se repiten
unas pocas imágenes eternas.
Que la luna del persa y los inciertos
oros de los crepúsculos desiertos
vuelvan. Hoy es ayer. Eres los otros
cuyo rostro es el polvo. Eres los muertos.
BORGES-Elogio de la sombra
Rubaiyyat
Revienne dans ma voix la métrique du Perse
Pour rappeler que le temps est la diverse
Trame de ces songes avides que nous sommes
Et que le Songeur le plus discret disperse.
Affirmer à nouveau que le feu est la cendre,
Que la chair est poussière, que le fleuve est l’image
Fuyante de ta vie et aussi de ma vie
Qui lentement de nous se détache si vite.
Affirmer à nouveau que l’ardu monument
Qu’érige la superbe est fort semblable au vent
Qui passe, et qu’à la lumière inconcevable
De qui perdure, un siècle est tout juste un moment.
Remarquer à nouveau que le rossignol d’or
Chante une seule fois dans le faîte sonore
De la nuit et que les astres avarement
Refusent de nous prodiguer tous leurs trésors.
Vienne à nouveau la lune à ce vers que ta main
Écrit, tout comme elle revient à ton jardin
Dans l’azur matinal. Et cette même lune
En ton jardin venue, en vain te cherchera.
Qu’aux tendres soirs de lune puissent les citernes
Être pour toi de bien modestes exemples
Et qu’en leur miroir d’eau puissent se répéter
Un tout petit nombre d’images éternelles.
Que la lune du Perse et que les reflets d’or
Qui brillent aux crépuscules déserts reviennent.
Aujourd’hui c’est hier et toi tu es les autres
Dont le visage est poussière. Tu es les morts.
Borges