Cosmogonía / Cosmogonie
Ni tiniebla ni caos. La tiniebla
Requiere ojos que ven, como el sonido
Y el silencio requieren el oído,
Y el espejo, la forma que lo puebla.
Ni el espacio ni el tiempo. Ni siquiera
Una divinidad que premedita
El silencio anterior a la primera
Noche del tiempo, que será infinita.
El gran río de Heráclito el Oscuro
Su irrevocable curso no ha emprendido,
Que del pasado fluye hacia el futuro,
Que del olvido fluye hacia el olvido.
Algo que ya padece. Algo que implora.
Después la historia universal. Ahora.
Ni ténèbres ni chaos. Les ténèbres
veulent des yeux qui voient, comme le bruit
Et le silence réclament l’ouïe,
Et le miroir la forme qu’il intègre.
Pas plus l’espace que le temps. Ni même
Une divinité qui prémédite
Le silence existant avant l’ancienne
Nuit du temps, la première, sans limites.
Le grand fleuve d’Héraclite l’Obscur,
Fatal, n’a toujours pas creusé son lit
Où du passé il court vers le futur,
Et de l’oubli court aussi vers l’oubli.
Ce qui souffre. Ce qui crie, implorant.
Puis, l’histoire universelle. Á présent.
in La Proximité de la mer : une anthologie de 99 poèmes, J.L. Borges édité, préfacé et traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 2010.